CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION


Audience publique du 8 décembre 2022

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1254 FS-B

Pourvoi n° E 21-16.487

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022

M. [D] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-16.487 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale - section A civile), dans le litige l'opposant à la société EDF, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de M. [H], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société EDF, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

  1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 mars 2021), M. [H], représenté par un défenseur syndical, a interjeté appel, le 1er juillet 2020, d'une ordonnance de référé rendue par le président d'un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la société EDF.

  2. M. [H] a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du président de la chambre saisie ayant prononcé la caducité de la déclaration d'appel sur le fondement de l'article 905-2 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

  1. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

  1. M. [H] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant prononcé la caducité de la déclaration d'appel et de le débouter de l'intégralité de ses demandes, alors « que le principe de l'égalité des armes, tel qu'il résulte du droit à un procès équitable, interdit qu'une partie au procès soit placée dans une situation plus avantageuse que la situation occupée par son adversaire ; qu'en retenant que, « par sa simplicité et son caractère peu onéreux », la remise par les défenseurs syndicaux de leurs actes de procédure au moyen d'un dépôt au greffe ou d'une lettre recommandée ne les place pas « dans une situation de net désavantage par rapport aux avocats », lesquels peuvent adresser leurs actes par voie électronique, quand le désavantage réside, non pas dans la complexité ou le coût du procédé, mais dans la rapidité de transmission qui bénéficie aux avocats, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération ce désavantage, a violé le principe d'égalité des armes entre les défenseurs syndicaux et les avocats, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

  1. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 24 avril 2003, Yvon c. France, n° 44962/98, § 31), le principe de l'égalité des armes est l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il exige un juste équilibre entre les parties, chacune d'elles devant se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires.

  2. L'obligation impartie aux défenseurs syndicaux, en matière prud'homale, de remettre au greffe les actes de procédure, notamment les premières conclusions d'appelant, ou de les lui adresser par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ne crée pas de rupture dans l'égalité des armes, dès lors qu'il n'en ressort aucun net désavantage au détriment des défenseurs syndicaux auxquels sont offerts, afin de pallier l'impossibilité de leur permettre de communiquer les actes de procédure par voie électronique dans des conditions conformes aux exigences posées par le code de procédure civile, des moyens adaptés de remise de ces actes dans les délais requis.

  3. La cour d'appel, qui a exactement retenu que l'obligation pour les défenseurs syndicaux de remettre au greffe leurs actes de procédure ou de les lui adresser par lettre recommandée avec accusé de réception, excluant ainsi leur envoi par télécopie ou courriel, ne faisait que tirer les conséquences de l'impossibilité pour eux d'accéder au RPVA, en a à juste titre déduit que ces modalités de remise des actes de procédure, par leur simplicité et leur caractère peu onéreux, ne plaçait pas les défenseurs syndicaux dans une situation de net désavantage par rapport aux avocats.

  4. Ayant constaté que M. [H] avait reçu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai le 22 août 2020 et que, dans le délai prévu par l'article 905-2 du code de procédure civile expirant le 22 septembre 2020, il n'avait remis aucune conclusion au greffe et qu'il ne rapportait pas la preuve d'un envoi postal ou d'un cas de force majeure de nature à l'exonérer de son obligation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] et le condamne à payer à la société EDF la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. [H]

M. [D] [H] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 1er octobre 2020 du conseiller chargé de la mise en état ayant prononcé la caducité de son appel et de l'avoir débouté de l'intégralité de ses demandes,

ALORS, d'une part, QUE le principe de l'égalité des armes, tel qu'il résulte du droit à un procès équitable, interdit qu'une partie au procès soit placée dans une situation plus avantageuse que la situation occupée par son adversaire ; qu'en retenant que, « par sa simplicité et son caractère peu onéreux », la remise par les défenseurs syndicaux de leurs actes de procédure au moyen d'un dépôt au greffe ou d'une lettre recommandée ne les place pas « dans une situation de net désavantage par rapport aux avocats », lesquels peuvent adresser leurs actes par voie électronique, quand le désavantage réside, non pas dans la complexité ou le coût du procédé, mais dans la rapidité de transmission qui bénéficie aux avocats, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération ce désavantage, a violé le principe d'égalité des armes entre les défenseurs syndicaux et les avocats, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, d'autre part, QUE dans ses écritures d'appel (p. 4), M. [H] mettait en cause une carence imputable au service Chronopost, qui n'avait pas assumé ses obligations contractuelles ; qu'en affirmant que M. [H] ne rapportait pas la preuve d'une défaillance du service postal, sans répondre à ces écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.