SOC.

BD4

COUR DE CASSATION


Audience publique du 27 septembre 2023

Rejet

M. SOMMER, président

Arrêt n° 944 FS-B

Pourvoi n° R 21-23.558

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 SEPTEMBRE 2023

Mme [G] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-23.558 contre le jugement rendu le 26 août 2021 par le conseil de prud'hommes de Vichy (départage, section activités diverses), dans le litige l'opposant à la société Framont-Boufferet, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Framont-Boufferet a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Y], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Framont-Boufferet, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

  1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Vichy, 26 août 2021), rendu en dernier ressort, Mme [Y] a été engagée en qualité de chauffeur ambulancier par la société Framont-Boufferet à compter du 2 janvier 2012.

  2. La convention collective applicable est la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

  3. Le 30 septembre 2019, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, notamment, d'une demande en paiement d'un rappel d'indemnités au titre des repas.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de la salariée

Enoncé du moyen

  1. La salariée fait grief au jugement de limiter à une certaine somme le montant du rappel sur indemnités de repas pour la période du 1er octobre 2016 au 31 août 2019, alors :

1°/ que le salarié dont l'amplitude de la journée de travail couvre entièrement la période comprise entre 11 heures et 14 heures 30, qui dispose à son lieu de travail d'une coupure d'une durée ininterrompue supérieure à une heure, dont une fraction, au moins égale à trente minutes, est comprise entre 11 heures et 14 heures 30, perçoit une indemnité de repas spéciale ; qu'en retenant, pour refuser de faire droit à la demande de la salariée au titre des indemnités de repas spéciales, qu'il résulte de l'article 2 du protocole du 30 avril 1974 que les dispositions de l'article 8 de ce même protocole relatives aux conditions d'attribution de l'indemnité de repas unique ne sont applicables qu'aux salariés contraints, du fait d'un déplacement, de prendre un repas hors de leur domicile ou de leur lieu de travail, le conseil de prud'hommes a violé l'article 8 du protocole du 30 avril 1974 conclu en application de l'article 10 de la convention collective des transports routiers du 16 juin 1961, annexe 1, ensemble l'article 2 dudit protocole ;

2°/ que le salarié dont l'amplitude de la journée de travail couvre entièrement la période comprise entre 11 heures et 14 heures 30, qui dispose à son lieu de travail d'une coupure ou d'une fraction de coupure d'une durée ininterrompue inférieure à une heure perçoit l'indemnité de repas unique ; qu'en retenant, pour refuser de faire droit à la demande de la salariée au titre des indemnités de repas unique, qu'il résulte de l'article 2 du protocole du 30 avril 1974 que les dispositions de l'article 8 de ce même protocole relatives aux conditions d'attribution de l'indemnité de repas unique ne sont applicables qu'aux salariés contraints, du fait d'un déplacement, de prendre un repas hors de leur domicile ou de leur lieu de travail et que le salarié ne pouvait prétendre au paiement d'indemnité de repas unique pour les jours de travail sans déplacement, avec une pause de repas susceptible d'être effectuée sur le lieu de travail, quelle que soit la durée de cette pause, le conseil de prud'hommes a violé l'article 8 du protocole du 30 avril 1974 conclu en application de l'article 10 de la convention collective des transports routiers du 16 juin 1961, annexe 1, ensemble l'article 2 dudit protocole. »

Réponse de la Cour

  1. Selon l'article 2 du protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers annexé à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, les indemnités de repas et les indemnités de repas unique sont une somme forfaitaire allouée par l'employeur au salarié en déplacement, en complément de ce que celui-ci aurait dépensé s'il avait pris son repas à son domicile ou à son lieu de travail, le déplacement étant défini comme l'obligation impliquée par le service de quitter le lieu de travail et le domicile.

  2. L'article 8 de ce protocole dispose : 1° Le personnel qui se trouve, en raison d'un déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un repas hors de son lieu de travail perçoit une indemnité de repas unique, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, sauf taux plus élevé résultant des usages. [...] 2° Ne peut prétendre à l'indemnité de repas unique : a) Le personnel dont l'amplitude de la journée de travail ne couvre pas entièrement la période comprise soit entre 11 heures et 14 heures 30, soit entre 18 heures 30 et 22 heures ; b) Le personnel qui dispose à son lieu de travail d'une coupure ou d'une fraction de coupure, d'une durée ininterrompue d'au moins 1 heure, soit entre 11 heures et 14 heures 30, soit entre 18 heures 30 et 22 heures. Toutefois, si le personnel dispose à son lieu de travail d'une coupure d'une durée ininterrompue d'au moins 1 heure et dont une fraction au moins égale à 30 minutes est comprise soit entre 11 heures et 14 heures 30, soit entre 18 heures 30 et 22 heures, une indemnité spéciale, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, lui est attribuée.

  3. Il en résulte que les dispositions du second de ces textes relatives aux conditions d'attribution de l'indemnité de repas unique ne sont applicables qu'aux salariés contraints, du fait d'un déplacement, de prendre un repas hors de leur domicile ou de leur lieu de travail.

  4. Il en résulte encore que celles de ce même texte relatives aux conditions d'attribution de l'indemnité spéciale ne sont applicables qu'aux salariés en situation de déplacement, au sens de l'article 2 du protocole, dont l'amplitude de la journée de travail couvre entièrement la période comprise soit entre 11 heures et 14 heures 30, soit entre 18 heures 30 et 22 heures et qui disposent, à leur lieu de travail, d'une coupure d'une durée ininterrompue d'au moins une heure et dont une fraction, au moins égale à trente minutes, est comprise soit entre 11 heures et 14 heures 30, soit entre 18 heures 30 et 22 heures.

  5. Le conseil de prud'hommes, qui a relevé que les réclamations formées au titre des indemnités de repas unique et des indemnités spéciales se rapportaient à des journées de travail sans déplacement, en a exactement déduit que la salariée ne pouvait y prétendre.

  6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur

Enoncé du moyen

  1. L'employeur fait grief au jugement de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de rappel sur indemnité de repas pour la période du 1er octobre 2016 au 31 août 2019, alors « que l'octroi à un salarié de la majoration de l'indemnité de repas unique prévue à l'article 8, 1°, alinéa 2, du protocole du 30 avril 1974 suppose notamment ''un déplacement effectué en dehors de ses conditions habituelles de travail'' ; que l'identification des ''conditions habituelles de travail'' nécessite d'examiner les habitudes de travail et de prendre en compte ce qui est constant ou fréquent dans les conditions de travail, et particulièrement de déplacement; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes a retenu que ''ni la convention collective ni le protocole du 30 avril 1974 ne stipulent qu'un trajet inférieur à une certaine distance doit être considéré comme ressortant des conditions habituelles de travail pour un ambulancier, et ce peu importe la fréquence des déplacements réalisés en certains lieux. Mme [Y] ayant été embauchée par la société Framont-Boufferet dont le siège social est situé à [Localité 6], il y a lieu de considérer que les déplacements à [Localité 3], [Localité 4] et [Localité 5] ne relèvent pas des conditions habituelles de travail du salarié'' ; qu'en statuant ainsi au regard de la localisation du siège social de l'entreprise, sans prendre en compte, pour déterminer ce qui relevait des conditions habituelles de travail de la salariée, la fréquence des déplacements réalisés en certains lieux dont justifiait l'employeur en soulignant avoir acté avec les délégués du personnel que ces trajets de faible distance ne pouvaient ouvrir droit à l'indemnité de repas unique, le conseil de prud'hommes a violé l'article 8 du protocole du 30 avril 1974 conclu en application de l'article 10 de la convention collective des transports routiers du 16 juin 1961, annexe 1. »

Réponse de la Cour

  1. Selon l'article 8 1° du protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers annexé à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, le personnel qui se trouve, en raison d'un déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un repas hors de son lieu de travail perçoit une indemnité de repas unique, dont le taux est fixé par le tableau joint au protocole, sauf taux plus élevé résultant des usages. Toutefois, lorsque le personnel n'a pas été averti au moins la veille et au plus tard à midi d'un déplacement effectué en dehors de ses conditions habituelles de travail, l'indemnité de repas unique qui lui est allouée est égale au montant de l'indemnité de repas, dont le taux est également fixé par le tableau joint au présent protocole.

  2. Le jugement constate, d'abord, que l'employeur ne conteste pas les déplacements impliqués par le service ayant imposé à la salariée de prendre un repas hors de son lieu de travail et qu'il ne démontre pas l'en avoir informée au moins la veille à midi. Il retient que le compte-rendu de réunion du 25 octobre 2004, signé par l'employeur et trois représentants du personnel, qui définit les déplacements effectués en dehors des conditions habituelles de travail, n'a pas valeur d'accord d'entreprise et que, restreignant les droits de la salariée s'agissant des conditions habituelles de travail, il ne lui est pas opposable. Il relève encore que, ni la convention collective, ni le protocole d'accord du 30 avril 1974 ne stipulent qu'un trajet inférieur à une certaine distance devait être considéré comme ressortant des conditions habituelles de travail pour un ambulancier et ce, peu important la fréquence des déplacements réalisés en certains lieux. Il retient enfin que, le siège social de l'entreprise étant situé à [Localité 6], il y a lieu de considérer que les déplacements à [Localité 3], [Localité 4] et [Localité 5] ne relèvent pas des conditions habituelles de travail de la salariée.

  3. En l'état de ses constatations, le conseil de prud'hommes, qui n'était pas tenu de s'expliquer sur une circonstance inopérante, en a exactement déduit que, s'agissant des déplacements en cause, il y avait lieu d'accorder à la salariée les indemnités de repas sollicitées.

  4. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.