SOC.

CH9

COUR DE CASSATION


Audience publique du 19 juin 2024

Rejet

M. SOMMER, président

Arrêt n° 658 FS-B

Pourvoi n° R 22-22.435

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JUIN 2024

M. [H] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-22.435 contre le jugement rendu le 24 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Dijon (section commerce), dans le litige l'opposant à la société Frigo transports 21, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [X], de la SARL Gury & Maitre, avocat de la société Frigo transports 21, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

  1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Dijon, 24 mars 2022), rendu en dernier ressort, M. [X] a été engagé en qualité de conducteur routier par la société Frigo transports 21 le 3 mai 2001.

  2. La convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 s'applique à la relation de travail.

  3. Le 21 novembre 2019, M. [X] a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de sommes se rapportant à l'exécution du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche

  1. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

  1. Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande en paiement de sommes au titre des jours de congé de fractionnement outre congés payés afférents ainsi que de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que le droit à des jours de congés supplémentaires naît du seul fait du fractionnement, que ce soit le salarié ou l'employeur qui en ait pris l'initiative ; que la renonciation à ce droit ne se présume pas ; que le salarié ne pouvant pas renoncer par avance au bénéfice d'un droit qu'il tient de dispositions d'ordre public avant que ce droit ne soit né, il ne peut renoncer à ses droits en matière de fractionnement du congé principal avant qu'ils ne soient effectivement acquis ; que, pour débouter M. [X] de sa demande au titre des congés de fractionnement, le jugement retient, d'une part, que "la mention sur un formulaire de demande de congés payés, de la renonciation aux éventuels jours de congés supplémentaires pour fractionnement est valable, y compris lorsqu'elle est prérédigée par l'employeur et mentionnée en lettres minuscules en bas du formulaire", d'autre part, qu' "il appartenait aux salariés, effectuant leurs demandes de congés payés, de rayer ou de mentionner distinctement et expressément qu'ils n'entendaient pas renoncer à leurs congés supplémentaires pour fractionnement" ; qu'il en déduit que "l'argumentation de M. [X], visant à alléguer que la convention collective n'a pas été respectée par la SAS Frigo transports 21, est donc totalement inopérante puisqu'en l'espèce, il avait le choix de rayer la mention prérédigée ou d'indiquer sur le formulaire, qu'il désirait bénéficier de ses jours de fractionnement" ; qu'en statuant ainsi, quand la renonciation aux congés de fractionnement ne peut valablement intervenir lors de la demande de congés payés, dès lors qu'à cette date le droit du salarié à congés de fractionnement, qui demeure seulement éventuel, n'est pas né, de sorte que l'utilisation par M. [X] du formulaire de demande de congés payés en vigueur dans l'entreprise ne pouvait avoir pour effet de le priver des jours de congés supplémentaires résultant du fractionnement du congé principal, peu important qu'il n'ait pas rayé la mention dudit formulaire prévoyant la renonciation auxdits congés supplémentaires en cas de fractionnement, le conseil des prud'hommes a violé l'article L. 3141-19 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et les articles L. 3141-19 et L. 3141-23 du code du travail en leur rédaction issue de cette loi, successivement applicables, ensemble l'article 7 de l'Accord du 16 juin 1961 relatif aux ouvriers, dit Annexe I, de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950. »

Réponse de la Cour

  1. Le droit à congés supplémentaires naît du seul fractionnement, que ce soit le salarié ou l'employeur qui en ait pris l'initiative.

  2. Après avoir constaté que le formulaire de demande d'absence comportait les mentions suivantes : « durée du congé principal, la règle est la prise de quatre semaines entre le 1er mai et le 31 octobre. En cas de demande de fractionnement du congé principal à l'initiative du salarié, celui-ci reconnaît renoncer expressément au(x) jour(s) de congés supplémentaires lié(s) au fractionnement » et relevé que le salarié avait le choix de rayer la mention prérédigée ou d'indiquer sur le formulaire qu'il désirait bénéficier de ses jours de fractionnement, le conseil de prud'hommes en a exactement déduit que la renonciation du salarié aux congés supplémentaires de fractionnement pouvait valablement intervenir au moment où le salarié complète le formulaire de demande de congés.

  3. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

  1. Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande en paiement de sommes au titre des rappels des jours fériés outre congés payés et prime d'ancienneté afférents ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que en application de l'article 7 ter de l'Accord du 16 juin 1961 relatif aux ouvriers, dit Annexe I, de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, un salarié, ayant au moins un an d'ancienneté, qui travaille un jour férié a droit au paiement du salaire correspondant au travail qu'il a accompli et d'une indemnité égale au montant de ce salaire, et, par ailleurs, à une indemnité forfaitaire dont le montant est fonction du nombre d'heures travaillées ; qu'en décidant au contraire, pour débouter le salarié de sa demande, que "le texte prévoit le doublement de la rémunération, mais ne donne droit à aucune indemnité complémentaire" et que "l'indemnité forfaitaire versée en contrepartie du travail des jours fériés, dont se prévaut M. [X] ne bénéficie qu'aux salariés ayant moins de 6 mois d'ancienneté et ce, afin de compenser le fait qu'ils ne bénéficient pas du doublement de la rémunération", le conseil des prud'hommes a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

  1. Selon l'article 7 ter de l'accord du 16 juin 1961 relatif aux ouvriers, annexe I de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 intitulé jours fériés travaillés, b) Cas du personnel justifiant d'au moins six mois d'ancienneté dans l'entreprise

  2. Sous réserve de satisfaire aux conditions définies au paragraphe a de l'article 7 bis ci-dessus (jours fériés non travaillés), le personnel ouvrier, justifiant d'au moins six mois d'ancienneté dans l'entreprise, bénéficie, en sus de sa rémunération normale, d'une indemnité complémentaire chaque fois qu'il travaille l'un des 5 jours fériés légaux fixés en application de ce même article.

  3. Pour le calcul de cette indemnité, il est fait application des dispositions légales relatives au paiement du 1er mai travaillé. Par ailleurs, le personnel appelé à travailler pendant une durée inférieure à 3 heures consécutives ou non au cours de l'un des 4 jours fériés légaux, non indemnisés au titre des alinéas ci-dessus, bénéficie d'une indemnité forfaitaire de 8 F. Cette indemnité est portée à 20 F si la durée du travail est égale ou supérieure à 3 heures consécutives ou non. Ces indemnités ne se cumulent pas avec celles déjà versées dans les entreprises au titre du travail effectué un ou plusieurs jours fériés légaux travaillés. c) Cas du personnel ouvrier mensualisé Le personnel ouvrier justifiant d'au moins une année d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie, dans les conditions fixées aux alinéas 1 et 2 du paragraphe b ci-dessus, d'une indemnité pour chaque jour férié légal travaillé (en sus du 1er mai).

  4. Selon l'article L. 3133-6 du code du travail, les salariés occupés le 1er mai ont droit, en plus du salaire correspondant au travail accompli, à une indemnité égale au montant de ce salaire.

  5. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un membre du personnel ouvrier mensualisé justifiant d'au moins une année d'ancienneté bénéficie pour chaque jour férié légal travaillé d'une indemnité calculée selon les règles fixées pour un 1er mai travaillé, égale au montant du salaire correspondant au travail accompli, et ne peut prétendre, en sus de cette indemnité, au versement d'une indemnité forfaitaire.

  6. Le conseil de prud'hommes, qui a constaté que le salarié était mensualisé et justifiait d'au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise, en a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par une partie du moyen, que l'intéressé, qui bénéficie d'une indemnité pour chaque jour férié légal travaillé conduisant au doublement de sa rémunération, ne peut prétendre à aucune indemnité complémentaire au titre des jours fériés travaillés.

  7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille vingt-quatre.