SOC.

CZ

COUR DE CASSATION


Audience publique du 29 novembre 2023

Cassation

M. SOMMER, président

Arrêt n° 2130 FS-B

Pourvoi n° H 22-13.871

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023

M. [K] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 22-13.871 contre le jugement rendu le 25 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de Lorient (section industrie), dans le litige l'opposant à la société Le Télégramme, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [C], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Le Télégramme, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

  1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Lorient, 25 janvier 2022), rendu en dernier ressort, M. [C] a été engagé par la société Le Télégramme à compter du 16 février 1987. Dans le dernier état de la relation de travail, il occupait, en qualité de journaliste, un emploi de rédacteur.

  2. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987.

  3. Après plusieurs arrêts de travail pour accident ou maladie d'origine non professionnelle, le salarié a été absent de façon continue à compter du 1er août 2018. Il a été licencié le 28 janvier 2020.

  4. Le 26 avril 2021, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de prime de treizième mois au titre des années 2017, 2018 et 2019.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

  1. Le salarié fait grief au jugement de le débouter de l'ensemble de ses demandes aux fins, notamment, de condamnation de l'employeur à lui payer certaines sommes à titre de rappel de salaire sur les primes de treizième mois pour les années 2017, 2018 et 2019, au titre des intérêts de retard et à titre d'indemnité de procédure, alors « que l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes étendue par arrêté du 2 février 1988 précise qu' ''à la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre'' ; que, sauf dispositions contraires, l'employeur ne peut réduire le montant d'une prime de treizième mois au prorata du temps de présence effectif du salarié, en raison de la suspension du contrat de travail consécutive à la maladie de celui-ci ; qu'il s'ensuit que l'employeur, qui relève de ladite convention, ne peut décider de modalités d'attribution moins favorables aux salariés en soumettant l'octroi de la prime de treizième mois à une présence effective, et ne peut déduire une absence pour maladie que si l'accord collectif prévoyant le versement de la prime de treizième mois l'y autorise ; qu'en jugeant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de prime conventionnelle de treizième mois, que l'employeur avait fait application d'une pratique plus avantageuse que les dispositions conventionnelles en allouant une prime de treizième mois basée sur le temps de présence effectif du salarié, cependant qu'il avait constaté que l'article 25 de la convention collective des journalistes ne prévoyait pas de réduction de la prime au prorata du temps de présence effectif, le conseil de prud'hommes n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1979 (en réalité 1976), ensemble l'article L. 2262-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987 :

  1. Aux termes de ce texte, à la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre. Pour les collaborateurs employés à titre occasionnel ou ayant un salaire mensuel variable, le montant de ce treizième mois correspondra à 1/12 des salaires perçus au cours de l'année civile ; il sera versé dans le courant du mois de janvier de l'année suivante. En cas de licenciement ou de démission en cours d'année, il sera versé au titre de ce salaire, dit « mois double » ou « treizième mois », un nombre de 1/12 égal au nombre de mois passés dans l'entreprise depuis le 1er janvier et basé sur le dernier salaire reçu. Les journalistes professionnels engagés en cours d'année recevront fin décembre un nombre de douzièmes égal au nombre de mois passés dans l'entreprise. Dans tous les cas ces 1/12 ne seront dus qu'après 3 mois de présence. Pour les collaborateurs salariés employés à titre occasionnel, les douzièmes ne seront dus qu'à ceux qui auront collaboré à 3 reprises différentes ou dont le salaire aura atteint au cours de l'année civile au moins 3 fois le montant minimum fixé par les barèmes de la forme de presse considérée. Toute fraction de mois égale ou supérieure à 15 jours est comptée pour 1 mois. Si le journaliste professionnel entre dans une entreprise le 1er novembre d'une année civile, il recevra 2/12 le 1er février suivant. S'il entre le 1er décembre, 1/12 le 1er mars suivant.

  2. Il en résulte que, sauf exception prévue par ce texte, tout journaliste professionnel perçoit, à titre de treizième mois, le salaire convenu du mois de décembre sans condition de présence effective.

  3. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des primes de treizième mois pour les années 2017, 2018 et 2019, le jugement relève qu'au regard du tableau de calculs de simulation produit par l'employeur, le salaire de l'intéressé aurait été, en tenant compte des absences pour maladie, de 691,03 euros en décembre 2017, de 1 605,04 euros en décembre 2018 et de zéro euro en décembre 2019. Il retient qu'en conséquence, au titre du treizième mois, le salarié aurait dû percevoir ces mêmes sommes respectivement en décembre 2017, en décembre 2018 et en décembre 2019. Il constate, au vu de ses bulletins de salaire, qu'il a perçu 2 367,99 euros en décembre 2017, 2 282,23 euros en décembre 2018 et 481,23 euros en décembre 2019. Il en conclut que, s'agissant du treizième mois, l'employeur a mis en place une pratique mieux disante que les dispositions conventionnelles.

  4. En statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Lorient ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Vannes ;

Condamne la société Le Télégramme aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le Télégramme et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.