SOC.

CZ

COUR DE CASSATION


Audience publique du 14 décembre 2022

Rejet

M. SOMMER, président

Arrêt n° 1373 FS-B

Pourvoi n° P 20-22.425

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

La société Praeconis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 20-22.425 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2020 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [D] [V], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Praeconis, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mme Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

  1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 13 novembre 2020), Mme [V], engagée courant 2014 par la société Praeconis et exerçant en dernier lieu la fonction d'animateur du réseau mandataire, a démissionné le 10 janvier 2018.

  2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale qui, par une ordonnance du 21 juin 2018, rendue en référé, a ordonné à l'employeur de délivrer sous astreinte à la salariée les documents comportant les chiffres d'affaires réalisés par tous les mandataires sous son autorité et son chiffre d'affaires détaillé par affaire nouvelle pour le calcul de sa rémunération variable et ce, durant les trois dernières années.

  3. La salariée a saisi à nouveau la juridiction prud'homale, aux fins d'obtenir du bureau de conciliation et d'orientation, par provision, qu'il ordonne à l'employeur de lui remettre sous astreinte un décompte des chiffres d'affaires réalisés par M. [C] sur la période s'étendant de février 2017 à avril 2018 et, au fond, un rappel de salaire outre les congés payés afférents. L'employeur a formé un appel-nullité contre l'ordonnance du 25 novembre 2019 ayant accueilli la demande par provision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

  1. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

  1. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel-nullité qu'il a formé à l'encontre de la décision du bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Nevers du 25 novembre 2019, alors :

« 1°/ qu'est ouvert, l'appel immédiat formé contre une ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation entachée d'un excès de pouvoir ; qu'excède ses pouvoirs le bureau qui ordonne à l'employeur (la société Praeconis) la remise à la salariée du décompte chiffré des chiffres d'affaires d'un tiers (M. [C]) avec lequel il n'entretient aucune relation contractuelle ou extracontractuelle ; qu'en déclarant irrecevable l'appel-nullité formé par la société Praeconis motif pris de ce que la solution du litige dépend en partie de ces éléments, lesquels méritent d'être débattus au fond, précisément à la lumière des pièces querellées, pour être au coeur du litige, que leur source émane d'un tiers à la relation des parties ou non étant indifférent, sauf à ajouter un critère aux dispositions de l'article R. 1454-14, plus précisément le 3°, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et a violé l'article R. 1454-14 du code du travail, ensemble les articles 11, alinéa 2, 133 et 134 du code de procédure civile ;

2°/ qu'est ouvert, l'appel immédiat formé contre une ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation entachée d'un excès de pouvoir ; qu'excède ses pouvoirs le bureau qui ordonne à une partie la production de pièces détenues par un tiers au procès ; que dans ses conclusions, la société Praeconis avait soutenu d'une part, qu'elle n'était pas liée à M. [C] par un mandat ou un contrat de travail pendant la période d'exécution du contrat de travail de la salariée ou après la démission de celle-ci et que la société Praeconis ne disposait juridiquement d'aucun motif légal pour exiger la communication par sa société mère, la Mutuelle Médico-Chirurgicale, du contrat de mandat la liant à M. [C] ou le décompte des chiffres d'affaires réalisés par celui-ci ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable l'appel-nullité formé par la société Praeconis motif pris de ce que la solution du litige dépend en partie de ces éléments, lesquels méritent d'être débattus au fond, précisément à la lumière des pièces querellées, pour être au cœur du litige, que leur source émane d'un tiers à la relation des parties ou non étant indifférent, sauf à ajouter un critère aux dispositions de l'article R. 1454-14, plus précisément le 3°, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et a violé l'article R. 1454-14 du code du travail, ensemble les articles 11, alinéa 2 et 138 et 139 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

  1. Il résulte de l'article R. 1454-16, alinéa 2, du code du travail que l'appel immédiat à l'encontre des décisions du bureau de conciliation et d'orientation prises en application des articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail n'est ouvert qu'en cas d'excès de pouvoir.

  2. Après avoir retenu à bon droit que le bureau de conciliation et d'orientation disposait, en application des paragraphes 3 et 4 de l'article R. 1454-14 du code du travail, du pouvoir d'ordonner toutes mesures d'instruction et toutes mesures nécessaires à la conservation des preuves, la cour d'appel a relevé que cette formation, saisie d'un litige relatif à la détermination de la rémunération variable de la salariée, avait apprécié, en fonction des éléments qui lui étaient soumis et des intérêts en présence, la nécessité d'ordonner à l'employeur la communication de documents utiles à la solution du litige et en rapport avec lui.

  3. Elle en a exactement déduit que le bureau de conciliation et d'orientation n'avait pas commis d'excès de pouvoir.

  4. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Praeconis aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Praeconis ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Praeconis.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Praeconis fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel-nullité qu'elle a formé à l'encontre de la décision du bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Nevers du 25 novembre 2019 ;

1/ Alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en déclarant que la décision entreprise émanant du bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Nevers a fait droit à la demande du salarié, qui ayant introduit une action tendant, notamment, à faire reconnaître une discrimination syndicale dans son évolution de carrière, sollicitait préalablement la condamnation sous astreinte de son employeur à lui communiquer la liste exhaustive des salariés embauchés dans les mêmes conditions de temps et de qualification avec les justificatifs de leur évolution de carrière et de rémunération, la cour d'appel a dénaturé cette décision et a ainsi méconnu le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

2/ Alors que le juge ne saurait méconnaitre l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des conclusions de la salariée, ni de celles de l'employeur, qu'une demande en reconnaissance d'une discrimination syndicale ait été invoquée et soutenue par la salariée ; qu'en déclarant que la décision entreprise émanant du bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Nevers a fait droit à la demande du salarié, qui ayant introduit une action tendant, notamment, à faire reconnaître une discrimination syndicale dans son évolution de carrière, sollicitait préalablement la condamnation sous astreinte de son employeur à lui communiquer la liste exhaustive des salariés embauchés dans les mêmes conditions de temps et de qualification avec les justificatifs de leur évolution de carrière et de rémunération, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Praeconis fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel-nullité qu'elle a formé à l'encontre de la décision du bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Nevers du 25 novembre 2019 ;

1/ Alors qu'est ouvert, l'appel immédiat formé contre une ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation entachée d'un excès de pouvoir ; qu'excède ses pouvoirs le bureau qui ordonne à l'employeur (la société Praeconis) la remise à la salariée du décompte chiffré des chiffres d'affaires d'un tiers (M. [C]) avec lequel il n'entretient aucune relation contractuelle ou extracontractuelle ; qu'en déclarant irrecevable l'appel-nullité formé par la société Praeconis motif pris de ce que la solution du litige dépend en partie de ces éléments, lesquels méritent d'être débattus au fond, précisément à la lumière des pièces querellées, pour être au cœur du litige, que leur source émane d'un tiers à la relation des parties ou non étant indifférent, sauf à ajouter un critère aux dispositions de l'article R. 1454-14, plus précisément le 3°, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et a violé l'article R. 1454-14 du code du travail, ensemble les articles 11, alinéa 2, 133 et 134 du code de procédure civile.

2/ Alors qu'est ouvert, l'appel immédiat formé contre une ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation entachée d'un excès de pouvoir ; qu'excède ses pouvoirs le bureau qui ordonne à une partie la production de pièces détenues par un tiers au procès ; que dans ses conclusions, la société Praeconis avait soutenu d'une part, qu'elle n'était pas liée à M. [C] par un mandat ou un contrat de travail pendant la période d'exécution du contrat de travail de la salariée ou après la démission de celle-ci et que la société Praeconis ne disposait juridiquement d'aucun motif légal pour exiger la communication par sa société mère, la Mutuelle Médico-Chirurgicale, du contrat de mandat la liant à Monsieur [C] ou le décompte des chiffres d'affaires réalisés par celui-ci ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable l'appel-nullité formé par la société Praeconis motif pris de ce que la solution du litige dépend en partie de ces éléments, lesquels méritent d'être débattus au fond, précisément à la lumière des pièces querellées, pour être au cœur du litige, que leur source émane d'un tiers à la relation des parties ou non étant indifférent, sauf à ajouter un critère aux dispositions de l'article R. 1454-14, plus précisément le 3°, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et a violé l'article R. 1454-14 du code du travail, ensemble les articles 11, alinéa 2 et 138 et 139 du code de procédure civile.