SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
Audience publique du 14 décembre 2022
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1349 F-D
Pourvoi n° C 21-14.668
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
Mme [D] [Y], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-14.668 contre l'ordonnance de référé rendue le 15 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Nancy, (formation de référé) dans le litige l'opposant à Mme [U] [O], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller doyen, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [Y], après débats en l'audience publique du 26 octobre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, conseillers, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
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Selon l'ordonnance attaquée (conseil de prud'hommes de Nancy, 15 février 2021), rendue en dernier ressort et en matière de référé, et les pièces de la procédure, Mme [Y] a été engagée en qualité d'assistante maternelle par Mme [O], le 13 septembre 2020.
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Le 19 décembre 2020, la salariée a saisi en référé la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement d'une somme au titre des salaires des mois d'octobre, novembre, décembre 2020 et janvier 2021.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
- La salariée fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande en paiement au titre des salaires de décembre 2020 et janvier 2021, alors :
« 1°/ que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation des référés peut accorder une provision au créancier ; que ne se heurte à aucune contestation sérieuse la demande en paiement de salaires pour lesquels des bulletins de paie ont été émis par l'employeur, sans paiement correspondant ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [O], employeur de Mme [Y] en qualité d'assistance maternelle, lui a adressé quatre bulletins de paie d'octobre 2020 à janvier 2021 sans payer les salaires correspondants ; qu'après avoir estimé qu'il n'y avait aucune contestation sérieuse pour octobre et novembre 2020, le conseil de prud'hommes a toutefois rejeté les demandes au titre des salaires de décembr 2020 et janvier 2021 ; qu'en statuant ainsi, bien que l'employeur ait émis des bulletins de paie également pour ces deux mois, sans avoir payé les salaires correspondants, le conseil de prud'hommes a violé les articles R. 1455-7 et L. 3243-3 du code du travail ;
2°/ que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation des référés peut accorder une provision au créancier ; que ne se heurte à aucune contestation sérieuse la demande du salarié en paiement de salaires pour lesquels des bulletins de paie ont été émis sans paiement correspondant ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes qui, pour rejeter la demande de Mme [Y] au titre des salaires de décembre 2020 et janvier 2021, s'est borné à relever que l'avocat de Mme [O] « dit qu'il y a une contestation sérieuse pour les mois de décembre 2020 et janvier 2021 mais est d'accord sur le principe pour octobre et novembre 2020 » ; qu'en statuant ainsi, en se bornant à constater les affirmations de l'avocat de l'employeur, sans avoir vérifié précisément si la demande de Mme [Y] tendant au paiement de ses salaires de décembre 2020 et janvier 2021, pour lesquels elle avait reçu des bulletins de paie, se heurtait à une contestation sérieuse, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles R 1455-7 et L. 3243-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 1455-7 et L. 3243-3 du code du travail :
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Aux termes du premier de ces textes, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
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Selon le second, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.
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Pour débouter la salariée de sa demande en paiement au titre des mois de décembre 2020 et janvier 2021, l'ordonnance retient que le conseil de l'employeur dit qu'il y a une contestation sérieuse pour ces mois mais est d'accord sur le principe pour les mois d'octobre et de novembre 2020.
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En se déterminant ainsi, alors qu'il était constant au débat que la salariée avait reçu les fiches de paie pour les mois de décembre 2020 et janvier 2021 sans recevoir le paiement des salaires correspondants, ce dont il résultait que l'obligation à paiement de l'employeur, qui ne contestait pas n'avoir pas payé de salaire au titre de ces deux mois, n'était pas sérieusement contestable, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déboute Mme [Y] de sa demande en paiement d'une provision au titre des mois de décembre 2020 et janvier 2021, l'ordonnance rendue le 15 février 2021, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Nancy ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Metz ;
Condamne Mme [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [O] à payer à Mme [Y] la somme de 1 500 euros
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme [Y]
Mme [Y] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté sa demande au titre des salaires de décembre 2020 et janvier 2021 ;
Alors 1°) que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation des référés peut accorder une provision au créancier ; que ne se heurte à aucune contestation sérieuse la demande en paiement de salaires pour lesquels des bulletins de paie ont été émis par l'employeur, sans paiement correspondant ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [O], employeur de Mme [Y] en qualité d'assistance maternelle, lui a adressé quatre bulletins de paie d'octobre 2020 à janvier 2021 sans payer les salaires correspondants ; qu'après avoir estimé qu'il n'y avait aucune contestation sérieuse pour octobre et novembre 2020, le conseil de prud'hommes a toutefois rejeté les demandes au titre des salaires de décembre 2020 et janvier 2021 ; qu'en statuant ainsi, bien que l'employeur ait émis des bulletins de paie également pour ces deux mois, sans avoir payé les salaires correspondants, le conseil de prud'hommes a violé les articles R 1455-7 et L. 3243-3 du code du travail ;
Alors 2°) et en tout état de cause que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation des référés peut accorder une provision au créancier ; que ne se heurte à aucune contestation sérieuse la demande du salarié en paiement de salaires pour lesquels des bulletins de paie ont été émis sans paiement correspondant ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes qui, pour rejeter la demande de Mme [Y] au titre des salaires de décembre 2020 et janvier 2021, s'est borné à relever que l'avocat de Mme [O] « dit qu'il y a une contestation sérieuse pour les mois de décembre 2020 et janvier 2021 mais est d'accord sur le principe pour octobre et novembre 2020 » ; qu'en statuant ainsi, en se bornant à constater les affirmations de l'avocat de l'employeur, sans avoir vérifié précisément si la demande de Mme [Y] tendant au paiement de ses salaires de décembre 2020 et janvier 2021, pour lesquels elle avait reçu des bulletins de paie, se heurtait à une contestation sérieuse, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles R 1455-7 et L. 3243-3 du code du travail ;
Alors 3°) et en tout état de cause que le défaut de paiement du salaire mentionné dans un bulletin de paie émis par l'employeur et adressé au salarié constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient à la juridiction des référés de faire cesser, même en présence d'une contestation sérieuse ; qu'en rejetant la demande de Mme [Y] au titre des salaires de décembre 2020 et janvier 2021, cependant que le défaut de paiement des salaires de décembre 2020 et janvier 2021, pour lesquels des bulletins de paie avaient été émis par l'employeur constituait pour le moins un trouble manifestement illicite, que la juridiction des référés devait faire cesser, même en présence d'une contestation sérieuse, le conseil de prud'hommes a, en tout état de cause, violé les articles R 1455-6 et L. 3243-3 du code du travail.