SOC.
CH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 8 septembre 2021
Renvoi devant la cour de justice de l'Union européenne
M. CATHALA, président
Arrêt n° 975 FS-B
Pourvoi n° S 19-20.538
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021
La société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 19-20.538 contre l'arrêt rendu le 22 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à M. [K] [I], domicilié au [Adresse 2], défendeur à la cassation.
M. [I] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [I], et les plaidoiries de Me Lévis et de Me Lyon-Caen, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juin 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Joly, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
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Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2019), M. [I], a été engagé par la société BNP, devenue la société BNP Paribas, établie en France, le 25 août 1998, aux termes d'un contrat de droit anglais, pour exercer, à Londres, les fonctions de « Senior Dealer ».
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Il a signé, le 2 avril 2009, avec la même société, un contrat de travail à durée indéterminée de droit français pour un détachement à Singapour. Par avenant à son contrat de travail du 16 août 2010, avec effet au 1er septembre 2010, il a été affecté à la succursale de Londres de la société BNP Paribas.
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Il a été licencié, par lettre du 30 septembre 2013 alors qu'il occupait à Londres l'emploi de « Head of Trading, Credit for CEEMA », pour faute grave en raison de faits survenus au cours de sa période de détachement à Singapour.
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Saisi par le salarié le 20 décembre 2013, l'Employment Tribunal (London central) (Royaume-Uni) a, par jugement du 8 juillet 2014, accueilli sa plainte pour licenciement abusif (« complaint of unfair dismissal ») comme étant bien fondée en application de la loi de 1996 sur les droits en matière d'emploi (la loi de 1996), réduit toute indemnité compensatoire (« compensatory award ») de 75 % conformément aux principes énoncés dans l'arrêt Polkey-v-A E Dayton Services Ltd [1988] ICR 142 HL, écarté, en application de la même loi, toute réduction d'indemnité de base (« basic award ») ou compensatoire en raison du comportement du demandeur et renvoyé, sine die, les autres points, dont la question d'une majoration de l'indemnité de base pour manquement de l'employeur au code du service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (« Advisory, Conciliation and Arbitration Service Code of Practice on Disciplinary and Grievance Procedures ») (le code ACAS), en l'absence d'accord des parties, à une audience concernant les mesures de réparation. A été également allouée au salarié une somme de 81 175 livres à titre d'indemnité compensatoire.
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S'agissant de l'application de la loi britannique à l'affaire, l'Employment Tribunal a exposé : « J'ai mentionné une caractéristique inhabituelle du dossier, à savoir le fait que les défendeurs ont sanctionné le demandeur conformément au code du travail français. Cela a été jugé pertinent, d'après ce que l'on m'a dit, puisqu'il était employé en vertu d'un contrat de travail français. Pour ma part, cela ne soulève aucune contestation juridique. Monsieur [P] [le conseil de la société BNP Paribas] a inéluctablement accepté que l'affaire doive être tranchée en vertu de la loi de 1996 et de la jurisprudence britannique. »
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Le salarié a saisi, par requête du 27 novembre 2014, le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir la condamnation de la société BNP Paribas au paiement de bonus, de primes et de diverses indemnités afférentes à son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à des préjudices spécifiques.
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Par jugement du 17 mai 2016, le conseil de prud'hommes a déclaré irrecevables ces demandes du fait de l'autorité de la chose jugée.
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Sur l'appel du salarié, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 22 mai 2019, a infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, a constaté que le jugement rendu par l'Employment Tribunal le 8 juillet 2014 a autorité de la chose jugée en ce qu'il a dit le licenciement pour faute grave du salarié par la société BNP Paribas non fondé sur une cause réelle et sérieuse, a déclaré le salarié recevable en ses demandes formées devant elle, a condamné la société BNP Paribas à payer au salarié les sommes suivantes :
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540 457,96 euros à titre des parts DCS Plus 2011 restant dues pour 2013 et 2014,
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214 577,45 euros à titre des parts DCS Plus 2012 restant dues pour 2013 et 2014,
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539 996,67 euros à titre des parts DCS Plus 2013 restant dues pour 2013 et 2014,
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475 939,45 euros au titre des parts de CMIP 2009 A payables en juin 2012,
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73 379,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
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7 338 euros au titre des congés payés afférents.
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595 595,24 euros à titre d'indemnité de licenciement.
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2 081 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
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La société BNP Paribas a formé un pourvoi principal et le salarié un pourvoi incident.
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Dans son arrêt du 22 mai 2019, la cour d'appel a relevé les éléments suivants : « Monsieur [I] expose que, s'étant vu retirer sa licence professionnelle par le régulateur anglais FCA à la suite de son licenciement pour faute grave, il n'était plus autorisé à exercer sa profession en Angleterre et que, pour récupérer sa licence, il lui était nécessaire d'obtenir une décision judiciaire de l'Employment Tribunal de Londres déclarant son licenciement "unfair" c'est-à-dire abusif puisque cette juridiction dispose d'une compétence exclusive en matière de "unfair dismissal", procédure visant à voir constater le caractère abusif du licenciement et statuer sur la régularité de la procédure suivie par l'employeur pour licencier le salarié au regard des règles d'ordre public anglaises. Il précise qu'il a saisi l'Employment Tribunal dans le cadre de la procédure pour "unfair dismissal" pour contester le bien fondé de son licenciement au regard des dispositions du [code ACAS] et de [la loi de 1996] qui sont d'ordre public au Royaume-Uni et dont BNP Paribas a accepté l'application, ajoutant que dans l'acte de saisine du 20 décembre 2013, il a expressément réservé toutes autres demandes au titre des conséquences de la rupture en application de son contrat de travail et du droit du travail français et du paiement de ses bonus différés. Le salarié ajoute que par jugement en date du 26 septembre 2014, le tribunal a reconnu le caractère abusif de son licenciement et n'a appliqué aucune réduction au montant maximum des indemnités allouées dans le cadre de la procédure de "unfair dismissal", soit la somme de 81 175 livres sterling (environ 96 517,05 euros), que la BNP Paribas lui a réglé cette somme sans qu'aucun recours n'ait été formé à l'encontre de la décision. Il soutient que sa saisine du conseil de prud'hommes porte sur les demandes qu'il avait explicitement exclues devant la juridiction londonienne. Il considère donc que l'autorité de chose jugée ne s'applique qu'au fait que le juge britannique a considéré qu'il n'avait commis aucune faute et que son licenciement était abusif et non fondé sur des éléments probants, ce qui l'autorise à solliciter les indemnités et rappels de salaire en application des dispositions du droit du travail français et de son contrat de travail. »
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La cour d'appel a relevé, par ailleurs, que, pour sa part, la société BNP Paribas soutient que le juge anglais a appliqué la loi anglaise en tant que loi choisie par les parties en se référant à un accord implicite de leur part, que la décision a été exécutée et que le juge français n'a en aucune manière la possibilité de remettre en cause l'office du juge anglais et l'application de la loi anglaise faite par le juge anglais. La société expose que la procédure dite d'« unfair dismissal » couvre tant la procédure de licenciement que les motifs de la rupture, que contrairement aux actions pour « wrongful dismissal » pour lesquelles la question est de savoir si l'employeur a violé les termes du contrat, les actions pour « unfair dismissal » visent à rechercher le caractère raisonnable de la décision de l'employeur de licencier et/ou la procédure suivie par l'employeur pour licencier. Au surplus, l'établissement bancaire considère que, contrairement à ce que soutient le salarié, le juge anglais n'a pas considéré que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse mais a, en revanche, contesté la procédure mise en place, bien que conforme au droit français, lui reprochant de ne pas avoir respecté la procédure de droit anglais applicable, selon lui, à un licenciement conduit en Angleterre. En conséquence, la société BNP Paribas considère que le juge britannique a définitivement tranché le litige et que le salarié n'est pas fondé à solliciter de la juridiction française qu'elle tranche le litige sur le fondement du droit français.
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La cour d'appel a retenu qu'il n'est pas contesté par les parties que le juge britannique, dans la procédure pour « unfair dismissal », a examiné la régularité de la procédure de licenciement suivie par l'employeur mais a aussi apprécié les fautes reprochées au salarié alors que, dans sa demande devant le conseil de prud'hommes, le salarié n'a pas sollicité qu'il se prononce sur le bien fondé de son licenciement, considérant, tout comme la société BNP Paribas, que la question de son bien fondé avait été tranchée par l'Employment Tribunal, qu'il s'avère, toutefois, qu'alors que le salarié affirme que le juge britannique a jugé son licenciement non fondé, la société BNP Paribas considère, au contraire, que celui-ci a tranché le litige en considérant « que le motif du licenciement était un motif potentiellement juste mais que la procédure aurait dû respecter les règles du code ACAS».
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La cour d'appel a décidé que, si le juge anglais a effectivement dit que le motif du licenciement était un motif potentiellement juste, il n'en n'a pas pour autant tiré la conclusion qu'en l'espèce le licenciement du salarié était bien fondé, que, contrairement à ce que soutient la société BNP Paribas, le juge anglais a considéré le licenciement non seulement irrégulier au regard des dispositions d'ordre public du code ACAS mais aussi, sur le fond, qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au salarié et que son licenciement n'était donc pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, qu'en conséquence, il convient de considérer qu'a autorité de la chose jugée la décision de l'Employment Tribunal en ce que ce dernier a estimé le licenciement non fondé sur une cause réelle et sérieuse.
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S'agissant des demandes financières sollicitées par le salarié sur le fondement du code du travail français et de son contrat de travail, en revanche, la cour d'appel a retenu que la société BNP Paribas n'apporte aucun élément probant remettant en cause le fait que selon les termes de sa « plainte » enregistrée le 20 décembre 2013, il a saisi l'Employment Tribunal, pour « unfair dismissal » pour voir reconnaître son licenciement abusif et solliciter une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du code ACAS, qu'il est explicitement mentionné dans la requête devant le tribunal anglais que le salarié n'a pas sollicité les indemnités et avantages sociaux en lien avec la rupture de son contrat de travail et qu'il engagerait de telles demandes devant une autre juridiction. Elle a ajouté que l'argument de la société BNP Paribas selon lequel le demandeur dans la « Claim Form » ayant coché la case « other payments » ne peut être retenu pour considérer que le salarié sollicitait d'autres paiements que l'indemnité pour violation des règles d'ordre public constituées par le code ACAS. En effet, compte-tenu de sa saisine, la rubrique « other payments » était la seule adaptée à la demande.
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La cour d'appel a retenu que, dès lors, les demandes, ayant pour finalité de réclamer le paiement des indemnités dues au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, des rappels de salaire et des dommages-intérêts pour différents préjudices subis, n'ont pas été formées devant la juridiction britannique et qu'il en résulte que les demandes ne sont pas les mêmes que celles formées devant l'Employment Tribunal, qu'au surplus, il s'avère que les demandes n'ont pas la même cause, qu'en effet, la saisine de la juridiction britannique avait pour cause l'irrégularité du licenciement compte-tenu de la violation des règles d'ordre public du code ACAS alors que les demandes portent sur les conséquences financières du licenciement non seulement abusif mais aussi non fondé, ainsi qu'il résulte de la décision du juge britannique.
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La cour d'appel en a conclu qu'aucune autorité de chose jugée ne peut être opposée à l'encontre des demandes formées par le salarié devant le conseil de prud'hommes, qu'en conséquence, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a jugé les demandes d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formées par le salarié irrecevables du fait de l'autorité de la chose jugée.
Enoncé des moyens
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Par son premier moyen, seconde branche, la société BNP Paribas fait grief à l'arrêt de déclarer le salarié recevable en ses demandes, de la condamner à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et au titre des parts DCS Plus 2011 restant dues pour 2013 et 2014, des parts DCS Plus 2012 restant dues pour 2013 et 2014, des parts DCS Plus 2013 restant dues pour 2013 et 2014, et des parts de CMIP 2009 A payables en juin 2012 et de lui ordonner de remettre un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle emploi et des bulletins de salaire conformes à l'arrêt, alors « que l'exception de chose jugée par un jugement étranger, invoquée devant le juge français, doit être appréciée au regard de l'autorité et de l'efficacité dont celui-ci jouit dans l'État membre où il a été rendu ; qu'en ne recherchant pas si l'autorité de la chose jugée attachée à la décision rendue par l'Employment Tribunal le 26 septembre 2014 faisait obstacle à ce qu'une nouvelle instance soit engagée devant un autre État membre aux fins de voir juger des demandes qui auraient pu être formulées dès l'instance introduite devant le juge anglais, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 33 du règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »
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Par son deuxième moyen, première branche, la société BNP Paribas fait grief à l'arrêt de déclarer le salarié recevable en ses demandes et de la condamner à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de droits à congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que l'autorité de la chose jugée attachée à une décision de justice rendue par un État membre de l'Union Européenne fait obstacle qu'une action ayant le même objet, la même cause et faisant intervenir les mêmes parties soit introduite dans un autre État membre ; que l'action introduite par M. [I] en France ayant le même objet, à savoir l'indemnisation des conséquences de son licenciement, et la même cause, à savoir le contrat de travail du 2 avril 2009, que celles dont avait déjà été saisi le juge anglais, elles se heurtaient à la chose jugée, au sens du droit communautaire, par ce dernier dans son jugement du 26 septembre 2014 ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 33 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »
Rappel des textes applicables
Le droit de l'Union
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Aux termes de l'article 33, alinéa 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, alors applicable, les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.
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En vertu de l'article 36 de ce règlement, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond.
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Aux termes de l'article 27 § 1 du même règlement, lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie.
Le droit britannique
- La loi de 1996, s98 prévoit :
« (1) En décidant aux fins de cette Partie si le licenciement d'un salarié est justifié ou abusif l'employeur doit démontrer -
(a) le motif (ou, s'il en existe plusieurs, le motif principal) du licenciement, et (b) qu'il s'agit soit d'un motif relevant de la sous-section (2) ou un autre motif de fond de sorte à justifier le licenciement d'un salarié occupant le poste que le salarié occupait.
(2) Un motif relève de la présente sous-section s'il -
[...]
(b) concerne le comportement du salarié.
[...]
(4) Lorsque l'employeur a satisfait aux exigences de la sous-section (1), la décision de savoir si le licenciement est justifié ou abusif (au regard du motif démontré par l'employeur) -
(a) dépend du fait de savoir si dans les circonstances (y compris la taille et les ressources administratives de l'entreprise de l'employeur), l'employeur a agi de façon raisonnable ou non en le traitant comme un motif valable pour licencier le salarié, et (b) sera tranchée conformément à l'équité et au bien-fondé du dossier.
[...] »
- La loi de 1996, s118, prévoit que si le tribunal accorde des indemnités pour licenciement abusif conformément aux sections 112(4) et 117(3) ces indemnités consistent en (a) une indemnité de base (calculée selon les sections 119 à 122 et 126) et en (b) une indemnité compensatoire (calculée selon les sections 123, 124, 124A et 126).
Le droit national
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En vertu de l'article L. 1234-5, alinéa 1er, du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
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Aux termes de l'article L. 1234-9, alinéa 1er, de ce code, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte huit mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
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Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur.
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L'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, disposait : « Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes. »
Motifs justifiant le renvoi préjudiciel
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Aux termes de l'article 33, alinéa 1, du règlement n° 44/2001, alors applicable, les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.
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En vertu de l'article 36 de ce règlement, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond.
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Aux termes de l'article 27, § 1, du même règlement, lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie.
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Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, le principe de l'autorité de la chose jugée revêt une grande importance, tant dans l'ordre juridique de l'Union que dans les ordres juridiques nationaux. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu'une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (CJCE, arrêt du 16 mars 2006, Kapferer, C-234/04, point 20 ; CJUE, arrêts du 29 juin 2010, Commission/Luxembourg, C-526/08, point 26 ; du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C-352/09 P, point 123, et du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C-221/10 P, point 86).
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La notion de reconnaissance, au sens de l'article 33 du règlement n° 44/2001, qui induit celle d'autorité de chose jugée, est interprétée de manière autonome (CJUE, arrêt du 15 novembre 2012, Gothaer Allgemeine Versicherung e.a., C-456/11, point 25).
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D'abord, la règle de reconnaissance des décisions rendues dans un État membre, prévue à l'article 33 du règlement n° 44/2001, et l'article 36 de ce règlement font obstacle à un recours ayant le même objet et formé entre les mêmes parties qu'un recours déjà tranché par une juridiction d'un autre État membre (par analogie, CJCE, arrêt du 30 novembre 1976, De Wolf, 42/76, points 7 à 10). L'incompatibilité d'une telle procédure avec ledit règlement résulte également de l'article 27 de ce dernier visant le cas où des demandes « ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents » et faisant obligation à la juridiction saisie en second lieu de se dessaisir en faveur du tribunal premier saisi (par analogie, CJCE, arrêt du 30 novembre 1976, De Wolf, 42/76, point 11).
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Ensuite, la Cour de justice a indiqué que relève de « la même cause » deux litiges engagés par les parties dans différents États contractants et qui sont basés sur le même rapport contractuel (CJCE, 8 déc. 1987, Gubisch Maschinenfrabrik, aff. 144/86, point 15).
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Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la notion d'autorité de la chose jugée dans le droit de l'Union, d'une part, ne s'attache qu'aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision juridictionnelle en cause (CJUE, arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C-221/10 P, point 87) et, d'autre part, ne s'attache pas qu'au dispositif de la décision juridictionnelle en cause, mais s'étend aux motifs de celle-ci qui constituent le soutien nécessaire de son dispositif et sont, de ce fait, indissociables de ce dernier (CJUE, arrêts du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C-221/10 P, point 87, ainsi que du 15 novembre 2012, Gothaer Allgemeine Versicherung e.a., C-456/11, point 40].
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Cependant, interrogée par des juridictions nationales saisies de litiges au principal afférents à l'exécution de décisions étrangères, la Cour de justice a retenu qu'une telle décision reconnue en vertu de l'article 33 du règlement n° 44/2001 doit déployer, en principe, dans l'État requis, les mêmes effets que ceux qu'elle a dans l'État d'origine (par analogie, CJCE, arrêt du 4 février 1988, Hoffmann, 145/86, point 11).
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Le mémoire ampliatif de la société BNP Paribas fait état de la règle de l'« abuse of process » issue de la décision Henderson v. Henderson du 20 juillet 1843, de la Court of Chancery (England and Wales) (Royaume-Uni), qui imposerait aux parties, quand leur question devient l'objet d'un litige devant une juridiction compétente, de porter l'ensemble de leur affaire devant cette dernière afin que tous les aspects de cette question puissent être tranchés, sous réserve d'appel, une fois pour toutes.
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Cette règle est ainsi décrite dans une étude réalisée par l'Institut de droit comparé Edouard Lambert de l'Université Jean Moulin (Lyon 3) et communiquée par la société BNP Paribas : « La règle de l'affaire Henderson dispose qu'une juridiction ne peut pas autoriser des parties à ouvrir une nouvelle affaire sur des questions qui auraient dû être traitées dans une procédure antérieure, sauf circonstances spéciales. Ainsi, pour un Lord of Appeal dans une décision récente, "la règle posée dans Henderson v. Henderson est bien connue maintenant. Elle impose aux parties, quand leur question devient l'objet d'un litige devant une juridiction compétente, de porter l'ensemble de leur affaire devant la juridiction afin que tous les aspects de celle-ci puissent être tranchés (sous réserve d'appel) une fois pour toute. En l'absence de circonstances spéciales, les parties ne peuvent pas retourner devant une juridiction pour soulever de nouveaux arguments, prétentions ou défenses qu'elles auraient pu mettre en avant pour être tranchés dans la première décision. Cette règle n'est pas basée sur la doctrine de res judicata dans un sens étroit, ni sur une doctrine stricte d'issue estoppel ou de cause of action estoppel. C'est une règle d'ordre public fondée sur le caractère souhaitable, dans l'intérêt général aussi bien que dans celui des parties elles-mêmes, que le litige ne s'éternise pas et que le défendeur ne devrait pas être soumis à plusieurs affaires successives quand une aurait pu suffire. C'est l'abus contre lequel cette règle est dirigée" (Lord Bingham, Markem Corporation and another v. Zipher Ltd, Court of Appeal [2005] EWCA CIV, p. 267 ; [2005] ALL ER (D), p. 377, para. 114 et s.). Cette forme d'estoppel montre une nouvelle fois la philosophie sous-jacente à ces règles : mettre un terme au litige. Ici, la règle est plus spécifique en ce qu'elle considère comme abusive la procédure qui est intentée par une partie qui cherche à faire valoir un élément qu'elle aurait parfaitement pu faire valoir dans la procédure précédente. Comme le note Lord Bingham, ces éléments qui auraient pu être soutenus dans la première procédure sont assez larges et peuvent recouvrir aussi bien les nouveaux arguments, prétentions ou défenses (La Court of Appeal a d'ailleurs rappelé l'importance de cette solution en 1996. Le Master of the Rolls a en effet indiqué qu'en "l'absence de circonstances spéciales, les parties ne peuvent pas retourner devant une juridiction pour soutenir des arguments, prétentions ou défenses qu'elles auraient pu mettre en avant lors de la décision de première instance" : Barrow v. Bankside Agency Limited [1996] 1 WLR, p. 257) [...] Selon le juge Auld LJ, le test qui doit être appliqué afin de savoir si l'on est en présence d'un abuse of process est celui qui cherche à déterminer "si les problèmes ou les faits soulevés dans la seconde procédure appartenaient si clairement à l'objet du précédent litige et auraient si clairement pu être soulevés dans celui-ci, qu'il serait abusif de permettre qu'ils soient soulevés dans une nouvelle procédure". »
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Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice qu'il n'y a cependant aucune raison d'accorder à un jugement, lors de son exécution, des droits qui ne lui appartiennent pas dans l'État membre d'origine ou des effets qu'un jugement du même type rendu directement dans l'État membre requis ne produirait pas (CJUE, arrêt du 28 avril 2009, Apostolides, C-420/07, point 66).
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Toutefois, en droit français, l'article R. 1452-6 du code du travail disposait que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance et que cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes. Cette disposition a été abrogée, à compter du 1er août 2016, par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016. La saisine du conseil de prud'hommes de Paris par le salarié ayant eu lieu le 27 novembre 2014, en droit français, cette règle dite de « l'unicité d'instance » était encore applicable et aurait pu être opposée au salarié si celui-ci avait saisi en premier lieu une autre juridiction française au lieu d'avoir saisi l'Employment Tribunal de Londres.
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Certes, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation, chambre sociale, que le principe de l'unicité d'instance ne peut être opposé devant la juridiction prud'homale française en raison d'une action introduite devant une juridiction étrangère (Soc., 8 février 2012, pourvoi n° 10-27.940, Bull. 2012, V, n° 66). Néanmoins, si le salarié avait saisi en premier lieu une juridiction prud'homale française des demandes dont il a saisi l'Employment Tribunal, les demandes d'indemnité tant légales qu'au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que ses demandes de bonus fondées sur les clauses de son contrat de travail, prétentions dont le fondement était né antérieurement à la saisine de la première juridiction, auraient été déclarées irrecevables.
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Dans la mesure où les arrêts Hoffmann (CJCE, arrêt du 4 février 1988, 145/86) et Apostolides (CJUE, arrêt du 28 avril 2009, C-420/07) se rapportent aux effets des décisions étrangères quant à leur exécution dans l'État membre requis, un doute subsiste sur le point de savoir si de telles décisions sont susceptibles d'avoir également un effet se rattachant soit à l'ordre procédural de l'État membre d'émission soit à celui de l'État membre requis de nature à régir la recevabilité d'actions ultérieures formées devant les juridictions de ce dernier État membre par les mêmes parties, sur le fondement d'un même contrat de travail, quel que soit l'objet ou le but poursuivi par ces actions. Le cas échéant, il conviendrait, alors, de déterminer si la circonstance qu'une obligation de concentration des demandes en matière prud'homale, telle que celle prévue à l'article R. 1452-6 du code du travail, s'apparente à une règle qui prévaut devant les juridictions de l'État membre d'origine, telle que celle posée par la décision Henderson v. Henderson, est déterminante pour apprécier les effets de la décision étrangère sur la recevabilité de telles actions devant les juridictions de l'État membre requis.
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Dans l'hypothèse où il serait considéré que les décisions étrangères n'ont pas d'effet sur la recevabilité des actions formées entre les mêmes parties et fondées sur une même cause mais différant par leurs objets, il y aurait lieu de s'interroger sur les notions d'objet et de cause au sens des articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001. Il conviendrait, en particulier, de déterminer si toutes les demandes qui ont pour but de sanctionner pécuniairement l'inexécution d'obligations nées d'un même contrat de travail ont un même objet ou si elles doivent être distinguées selon qu'elles se rapportent soit à des obligations inhérentes à l'exécution du contrat de travail, soit à des obligations propres à la rupture de ce contrat.
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Par ailleurs, les articles L. 1234-5, alinéa 1er, et L. 1234-9, alinéa 1er, du code du travail ouvrent droit au salarié, dont le licenciement est fondé et ne résulte pas d'une faute grave, à une indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité de licenciement. Ces indemnités, dans le cas où le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, s'ajoutent à l'indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse prévue à l'article L. 1235-3 du même code.
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Cependant les indemnités compensatoires et de base octroyées par l'Employment Tribunal en vertu de la loi de 1996 sanctionnent le licenciement abusif du salarié.
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S'il est possible que l'objet de l'indemnité prévue à l'article L. 1235-3 du code du travail soit le même que celui de ces indemnités compensatoire et de base, des doutes subsistent quant à l'identité de l'objet de ces dernières et de celui d'indemnités telles que celles prévues aux articles L. 1234-5, alinéa 1er, et L. 1234-9, alinéa 1er, dudit code.
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Dès lors, se pose en premier lieu la question de savoir si les articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doivent être interprétés en ce sens que, lorsque la loi de l'État membre d'origine de la décision confère à cette dernière une autorité telle que celle-ci fait obstacle à ce qu'une nouvelle action soit engagée par les mêmes parties afin qu'il soit statué sur les demandes qui auraient pu être formulées dès l'instance initiale, les effets déployés par cette décision dans l'État membre requis s'opposent à ce qu'un juge de ce dernier État, dont la loi applicable ratione temporis prévoyait en droit du travail une obligation similaire de concentration des prétentions, statue sur de telles demandes.
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En cas de réponse négative à cette première question, se pose en second lieu la question de savoir si les articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001 du Conseil doivent être interprétés en ce sens qu'une action telle que celle en « unfair dismissal » au Royaume-Uni a la même cause et le même objet qu'une action telle que celle en licenciement sans cause réelle et sérieuse en droit français, de sorte que les demandes faites par le salarié de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement devant le juge français, après que le salarié a obtenu au Royaume-Uni une décision déclarant l' « unfair dismissal » et allouant des indemnités à ce titre (compensatory award), sont irrecevables. Il convient à cet égard de savoir s'il faut distinguer entre les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui pourraient avoir la même cause et le même objet que le « compensatory award », et les indemnités de licenciement et de préavis qui, en droit français, sont dues lorsque le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse mais ne sont pas dues en cas de licenciement fondé sur une faute grave.
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De même, se pose en troisième lieu la question de savoir si les articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001 du Conseil doivent être interprétés en ce sens qu'ont la même cause et le même objet une action telle que celle en « unfair dismissal » au Royaume-Uni et une action en paiement de bonus ou de primes prévues au contrat de travail dès lors que ces actions se fondent sur le même rapport contractuel entre les parties.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :
RENVOIE à la Cour de justice de l'Union européenne les questions suivantes :
« 1°/ Les articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doivent-ils être interprétés en ce sens que, lorsque la loi de l'État membre d'origine de la décision confère à cette dernière une autorité telle que celle-ci fait obstacle à ce qu'une nouvelle action soit engagée par les mêmes parties afin qu'il soit statué sur les demandes qui auraient pu être formulées dès l'instance initiale, les effets déployés par cette décision dans l'État membre requis s'opposent à ce qu'un juge de ce dernier État, dont la loi applicable ratione temporis prévoyait en droit du travail une obligation similaire de concentration des prétentions statue sur de telles demandes ?
2°/ En cas de réponse négative à cette première question, les articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001 du Conseil doivent-ils être interprétés en ce sens qu'une action telle que celle en « unfair dismissal » au Royaume-Uni a la même cause et le même objet qu'une action telle que celle en licenciement sans cause réelle et sérieuse en droit français, de sorte que les demandes faites par le salarié de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement devant le juge français, après que le salarié a obtenu au Royaume-Uni une décision déclarant l' « unfair dismissal » et allouant des indemnités à ce titre (compensatory award), sont irrecevables ? Y a-t-il lieu à cet égard de distinguer entre les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui pourraient avoir la même cause et le même objet que le « compensatory award », et les indemnités de licenciement et de préavis qui, en droit français, sont dues lorsque le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse mais ne sont pas dues en cas de licenciement fondé sur une faute grave ?
3°/ De même, les articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001 du Conseil doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ont la même cause et le même objet une action telle que celle en « unfair dismissal » au Royaume-Uni et une action en paiement de bonus ou de primes prévues au contrat de travail dès lors que ces actions se fondent sur le même rapport contractuel entre les parties ? »
SURSOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ;
Réserve les dépens ;
Dit qu'une expédition du présent arrêt ainsi que le dossier de l'affaire seront transmis par le directeur de greffe de la Cour de cassation au greffe de la Cour de justice de l'Union européenne ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. [I] recevable en ses demandes, condamné la SA BNP PARIBAS à payer à M. [I] diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et au titre des parts DCS Plus 2011 restant dues pour 2013 et 2014, des parts DCS Plus 2012 restant dues pour 2013 et 2014, des parts DCS Plus 2013 restant dues pour 2013 et 2014, et des parts de CMIP 2009 A payables en juin 2012 et ordonné la SA BNP Paribas de remettre à M. [I] un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle emploi et des bulletins de salaire conformes à l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article 1351 du code civil, devenu l'article 1355 à compter du 10 février 2016, « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondé sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité » ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que le juge britannique, dans la procédure pour « unfull dismissal » a examiné la régularité de la procédure de licenciement suivie par l'employeur mais a aussi apprécié les fautes reprochées au salarié alors que, dans sa demande devant le conseil de prud'hommes, M. [I] n'a pas sollicité qu'il se prononce sur le bien-fondé de son licenciement, considérant, tout comme la SA BNP PARIBAS, que la question de son bien-fondé avait été tranchée par « The Employment Tribunal » ; qu'il s'avère, toutefois, qu'alors que M. [I] affirme que le juge britannique a jugé son licenciement non fondé, la SA BNP PARIBAS considère, au contraire, que celui-ci a tranché le litige en considérant « que le motif du licenciement était un motif potentiellement juste mais que la procédure aurait dû respecter les règles du Code ACAS » ; qu'il s'avère, toutefois, que si le juge anglais a effectivement dit que le motif du licenciement était un motif potentiellement juste, il n'en n'a pas pour autant tiré la conclusion qu'en l'espèce le licenciement de M. [I] était bien fondé ; qu'en effet, il résulte des termes mêmes de la décision, dans sa traduction telle que transmise par l'intimée, que le juge anglais a écrit à la rubrique concernant le « Comportement du demandeur » :
- page 32 - §139 : « M. [P] ne m'a pas demandé de fonder une quelconque réduction d'indemnité sur la proposition selon laquelle le Demandeur avait sciemment initié, participé, comploté ou cautionné la faute commise par les membres du bureau AUD. Toutefois, afin d'écarter toute ambiguïté, je l'acquitte explicitement de tout comportement de la sorte. J'estime que, comme il l'a toujours affirmé, il n'avait pas connaissance des messages et des appels téléphoniques. En outre, et de manière plus générale, je suis convaincu qu'il n'existe aucun fondement permettant d'avancer une quelconque faute de sa part. Son intégrité n'est tout simplement pas remise en question » ;
- qu'au § 140, le juge poursuit : « mon opinion personnelle est que son comportement n'aurait pas dû faire l'objet d'une censure. M. [P] a insisté avec vigueur et éloquence sur le fait que les courriels de 2005 à 2007 étaient suffisants pour enquêter sur le Demandeur dans le but de déterminer s'il existait, ou pourrait exister, une faute de la part du bureau AUD quant aux propositions de BBSW. Je rejette cet argument. M. [H] lui-même a admis en preuve que ces courriels avaient trait à la négociation des effets bancaires. Aucun élément de leur contenu n'aurait pu alerter le Demandeur quant à un quelconque point significatif dans cette affaire (j'ose à peine rappeler que la correspondance de 2005 remontait à près de deux avant le premier des messages fautifs) » ;
- qu'au §142, le juge écrit « Mme [W] avancé un certain nombre d'argument forts en faveur du Demandeur. En premier lieu, rien n'indiquait qu'il était coupable de quelque manière que ce soit d'avoir fait confiance à M. [E] pour superviser le bureau AUD. En outre, j'ai constaté que les courriels de 2005 à 2007 n'étaient d'aucune importance dans le cadre de cette affaire et qu'il n'existait, selon moi, aucun autre élément qui aurait pu l'informer de la possibilité qu'une faute était en cours. En outre, l'argument simple avancé par le Demandeur, selon lequel les fixations du BBSW ne pouvaient être « truquées » (car les propositions ne reflètent que le marché, et que toute proposition trop élevée sera exclue par le biais du processus d'« étêtage et équeutage) n'a été, à ma connaissance, remis en cause à aucun moment. J'estime que cet argument démontre qu'il n'avait aucune raison d'anticiper un quelconque danger à l'égard des propositions de BBSW. J'ai également étudié l'étendue de ses responsabilités de gestion et l'ampleur de ses déplacements professionnels. En outre je me suis rappelé que des mesures de risque étaient en place. Il n'a pas été suggéré qu'il faisait preuve de négligence dans le cadre de ses responsabilités générales en matière de risques » ; qu'enfin, le § 143 est rédigé dans les termes suivants : « Après avoir étudié attentivement toutes les preuves et les conclusions des deux parties, j'ai conclu que les Défendeurs n'avaient pas démontré un comportement coupable ou répréhensible de la part du Demandeur. Si j'accepte que, au terme d'une procédure juste, les Défendeurs auraient jugé (et, grâce à la marge de manoeuvre offerte par l'examen relatif à la « gamme de réponses raisonnables « aurait été en droit de juger) qu'il avait négligé ses responsabilités, [T] [P] ne m'a pas persuadé de parvenir à une opinion similaire... » ; qu'il résulte des éléments précités, que contrairement à ce que soutient la SA BNP PARIBAS, le juge anglais a considéré le licenciement non seulement irrégulier au regard des dispositions d'ordre public de l'ACAS mais aussi, sur le fond, qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à M. [I] et que son licenciement n'était donc pas fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, il convient de considérer qu'a autorité de la chose jugée la décision du juge du Tribunal de l'emploi en ce qu'il a estimé le licenciement non fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que s'agissant des demandes financières sollicitées par M. [I] sur le fondement du code du travail français et de son contrat de travail, en revanche, il s'avère que la SA BNP PARIBAS n'apporte aucun élément probant remettant en cause le fait que selon les termes de sa « plainte » enregistrée le 20 décembre 2013, il a saisi « The Employment Tribunal », pour « unfair dismissal » pour voir reconnaître son licenciement abusif et solliciter « une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du Code du Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service (ACAS) » ; qu'au surplus, il est explicitement mentionné dans la requête devant le tribunal anglais que M. [I] n'a pas sollicité les indemnités et avantages sociaux en lien avec la rupture de son contrat de travail et qu'il engagerait de telles demandes devant une autre juridiction ; qu'en outre, l'argument de la SA BNP PARIBAS selon lequel le demandeur dans la « Claim Form » ayant coché la case « Other payment » ne peut être retenu pour considérer que M. [I] sollicitait d'autres paiements que l'indemnité pour violation des règles d'ordre public constituées par l'ACAS ; qu'en effet, compte-tenu de sa saisine, la rubrique « other payments » était la seule adaptée à la demande ; que dès lors, les présentes demandes ayant pour finalité de réclamer le paiement des indemnités dues au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, des rappels de salaire et des dommages et intérêts pour différents préjudices subis, il convient de constater que celles-ci n'ont pas été formées devant la juridiction britannique ; qu'il en résulte que les présentes demandes ne sont pas les mêmes que celles formées devant le « Employment Tribunal » ; qu'au surplus, il s'avère que les présentes demandes n'ont pas la même cause ; qu'en effet, la saisine de la juridiction britannique avait pour cause l'irrégularité du licenciement compte-tenu de la violation des règles d'ordre public de l'ACAS alors que les présentes demandes portent sur les conséquences financières du licenciement non seulement abusif mais aussi non fondé, ainsi qu'il résulte de la décision du juge britannique ; que les conditions posées par l'article 1351 précité, devenu l'article 1355 du code civil, étant cumulatives, il résulte des éléments précités qu'aucune autorité de chose jugée ne peut être opposée à l'encontre des demandes formées par M. [I] devant le conseil de prud'hommes ; qu'en conséquence, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a jugé les demandes d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formées par M. [I] irrecevables du fait de l'autorité de la chose jugée ;
1/ ALORS QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (p. 19-20), la société BNP Paribas faisait valoir que l'autorité attachée au jugement rendu le 26 septembre 2014 par l'Employment Tribunal de Londres ayant appliqué la loi anglaise au litige portant sur la rupture du contrat de travail de M. [I] s'opposait à ce que le juge français, saisi entre les parties de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du même contrat, tranche le litige au regard de loi française ; qu'en ne répondant pas à ce chef des conclusions d'appel de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2/ ALORS, en toute hypothèse, QUE l'exception de chose jugée par un jugement étranger, invoquée devant le juge français, doit être appréciée au regard de l'autorité et de l'efficacité dont celui-ci jouit dans l'État membre où il a été rendu ; qu'en ne recherchant pas si l'autorité de la chose jugée attachée à la décision rendue par l'Employment Tribunal le 26 septembre 2014 faisait obstacle à ce qu'une nouvelle instance soit engagée devant un autre État membre aux fins de voir juger des demandes qui auraient pu être formulées dès l'instance introduite devant le juge anglais, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 33 du règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. [I] recevable en ses demandes et condamné la SA BNP PARIBAS à payer à M. [I] diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article 1351 du code civil, devenu l'article 1355 à compter du 10 février 2016, « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondé sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité » ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que le juge britannique, dans la procédure pour « unfull dismissal » a examiné la régularité de la procédure de licenciement suivie par l'employeur mais a aussi apprécié les fautes reprochées au salarié alors que, dans sa demande devant le conseil de prud'hommes, M. [I] n'a pas sollicité qu'il se prononce sur le bien-fondé de son licenciement, considérant, tout comme la SA BNP PARIBAS, que la question de son bien-fondé avait été tranchée par « The Employment Tribunal » ; qu'il s'avère, toutefois, qu'alors que M. [I] affirme que le juge britannique a jugé son licenciement non fondé, la SA BNP PARIBAS considère, au contraire, que celui-ci a tranché le litige en considérant « que le motif du licenciement était un motif potentiellement juste mais que la procédure aurait dû respecter les règles du Code ACAS » ; qu'il s'avère, toutefois, que si le juge anglais a effectivement dit que le motif du licenciement était un motif potentiellement juste, il n'en n'a pas pour autant tiré la conclusion qu'en l'espèce le licenciement de M. [I] était bien fondé ; qu'en effet, il résulte des termes mêmes de la décision, dans sa traduction telle que transmise par l'intimée, que le juge anglais a écrit à la rubrique concernant le « Comportement du demandeur » :
- page 32 - §139 : « M. [P] ne m'a pas demandé de fonder une quelconque réduction d'indemnité sur la proposition selon laquelle le Demandeur avait sciemment initié, participé, comploté ou cautionné la faute commise par les membres du bureau AUD. Toutefois, afin d'écarter toute ambiguïté, je l'acquitte explicitement de tout comportement de la sorte. J'estime que, comme il l'a toujours affirmé, il n'avait pas connaissance des messages et des appels téléphoniques. En outre, et de manière plus générale, je suis convaincu qu'il n'existe aucun fondement permettant d'avancer une quelconque faute de sa part. Son intégrité n'est tout simplement pas remise en question » ; -qu'au § 140, le juge poursuit : « mon opinion personnelle est que son comportement n'aurait pas dû faire l'objet d'une censure. M. [P] a insisté avec vigueur et éloquence sur le fait que les courriels de 2005 à 2007 étaient suffisants pour enquêter sur le Demandeur dans le but de déterminer s'il existait, ou pourrait exister, une faute de la part du bureau AUD quant aux propositions de BBSW. Je rejette cet argument. M. [H] lui-même a admis en preuve que ces courriels avaient trait à la négociation des effets bancaires. Aucun élément de leur contenu n'aurait pu alerter le Demandeur quant à un quelconque point significatif dans cette affaire (j'ose à peine rappeler que la correspondance de 2005 remontait à près de deux avant le premier des messages fautifs) » ;
- qu'au §142, le juge écrit « Mme [W] avancé un certain nombre d'argument forts en faveur du Demandeur. En premier lieu, rien n'indiquait qu'il était coupable de quelque manière que ce soit d'avoir fait confiance à M. [E] pour superviser le bureau AUD. En outre, j'ai constaté que les courriels de 2005 à 2007 n'étaient d'aucune importance dans le cadre de cette affaire et qu'il n'existait, selon moi, aucun autre élément qui aurait pu l'informer de la possibilité qu'une faute était en cours. En outre, l'argument simple avancé par le Demandeur, selon lequel les fixations du BBSW ne pouvaient être « truquées » (car les propositions ne reflètent que le marché, et que toute proposition trop élevée sera exclue par le biais du processus d' « étêtage et équeutage) n'a été, à ma connaissance, remis en cause à aucun moment. J'estime que cet argument démontre qu'il n'avait aucune raison d'anticiper un quelconque danger à l'égard des propositions de BBSW. J'ai également étudié l'étendue de ses responsabilités de gestion et l'ampleur de ses déplacements professionnels. En outre je me suis rappelé que des mesures de risque étaient en place. Il n'a pas été suggéré qu'il faisait preuve de négligence dans le cadre de ses responsabilités générales en matière de risques » ; qu'enfin, le § 143 est rédigé dans les termes suivants : « Après avoir étudié attentivement toutes les preuves et les conclusions des deux parties, j'ai conclu que les Défendeurs n'avaient pas démontré un comportement coupable ou répréhensible de la part du Demandeur. Si j'accepte que, au terme d'une procédure juste, les Défendeurs auraient jugé (et, grâce à la marge de manoeuvre offerte par l'examen relatif à la « gamme de réponses raisonnables « aurait été en droit de juger) qu'il avait négligé ses responsabilités, [T] [P] ne m'a pas persuadé de parvenir à une opinion similaire... » ; qu'il résulte des éléments précités, que contrairement à ce que soutient la SA BNP PARIBAS, le juge anglais a considéré le licenciement non seulement irrégulier au regard des dispositions d'ordre public de l'ACAS mais aussi, sur le fond, qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à M. [I] et que son licenciement n'était donc pas fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, il convient de considérer qu'a autorité de la chose jugée la décision du juge du Tribunal de l'emploi en ce qu'il a estimé le licenciement non fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que s'agissant des demandes financières sollicitées par M. [I] sur le fondement du code du travail français et de son contrat de travail, en revanche, il s'avère que la SA BNP PARIBAS n'apporte aucun élément probant remettant en cause le fait que selon les termes de sa « plainte » enregistrée le 20 décembre 2013, il a saisi « The Employment Tribunal », pour « unfair dismissal » pour voir reconnaître son licenciement abusif et solliciter « une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du Code du Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service (ACAS) » ; qu'au surplus, il est explicitement mentionné dans la requête devant le tribunal anglais que M. [I] n'a pas sollicité les indemnités et avantages sociaux en lien avec la rupture de son contrat de travail et qu'il engagerait de telles demandes devant une autre juridiction ; qu'en outre, l'argument de la SA BNP PARIBAS selon lequel le demandeur dans la « Claim Form » ayant coché la case « Other payment » ne peut être retenu pour considérer que M. [I] sollicitait d'autres paiements que l'indemnité pour violation des règles d'ordre public constituées par l'ACAS ; qu'en effet, compte-tenu de sa saisine, la rubrique « other payments » était la seule adaptée à la demande ; que dès lors, les présentes demandes ayant pour finalité de réclamer le paiement des indemnités dues au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, des rappels de salaire et des dommages et intérêts pour différents préjudices subis, il convient de constater que celles-ci n'ont pas été formées devant la juridiction britannique ; qu'il en résulte que les présentes demandes ne sont pas les mêmes que celles formées devant le « Employment Tribunal » ; qu'au surplus, il s'avère que les présentes demandes n'ont pas la même cause ; qu'en effet, la saisine de la juridiction britannique avait pour cause l'irrégularité du licenciement compte-tenu de la violation des règles d'ordre public de l'ACAS alors que les présentes demandes portent sur les conséquences financières du licenciement non seulement abusif mais aussi non fondé, ainsi qu'il résulte de la décision du juge britannique ; que les conditions posées par l'article 1351 précité, devenu l'article 1355 du code civil, étant cumulatives, il résulte des éléments précités qu'aucune autorité de chose jugée ne peut être opposée à l'encontre des demandes formées par M. [I] devant le conseil de prud'hommes ; qu'en conséquence, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a jugé les demandes d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formées par M. [I] irrecevables du fait de l'autorité de la chose jugée ;
1/ ALORS QUE l'autorité de la chose jugée attachée à une décision de justice rendue par un État membre de l'Union Européenne fait obstacle qu'une action ayant le même objet, la même cause et faisant intervenir les mêmes parties soit introduite dans un autre État membre ; que l'action introduite par M. [I] en France ayant le même objet, à savoir l'indemnisation des conséquences de son licenciement, et la même cause, à savoir le contrat de travail du 2 avril 2009, que celles dont avait déjà été saisi le juge anglais, elles se heurtaient à la chose jugée, au sens du droit communautaire, par ce dernier dans son jugement du 26 septembre 2014 ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 33 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
2/ ALORS, subsidiairement, QU'en application de l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il y a autorité de la chose jugée à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement rendu entre les mêmes parties, lorsque la chose demandée est la même et qu'elle est fondée sur la même cause, la seule différence de fondement juridique étant insuffisante à l'écarter ; que l'action introduite par M. [I] en France ayant le même objet, à savoir l'indemnisation des conséquences de son licenciement, et la même cause, à savoir le contrat de travail du 2 avril 2009 et les règles déterminant l'indemnisation due au salarié dont le licenciement est jugé injustifié, que celles dont avait déjà été saisi le juge anglais, elles se heurtaient à la chose jugée ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 480 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA BNP PARIBAS à payer à M. [I] diverses sommes au titre des parts DCS Plus 2011 restant dues pour 2013 et 2014, des parts DCS Plus 2012 restant dues pour 2013 et 2014 et des parts DCS Plus 2013 restant dues pour 2013 et 2014 ;
AUX MOTIFS QUE s'il est incontestable, ainsi que le soutient la SA BNP PARIBAS, que le droit à un élément de rémunération peut être subordonné par l'employeur à une condition de présence au moment de son échéance, il n'en demeure pas moins, qu'en l'espèce, M. [I] justifie des montants qui lui ont été attribués au titre des parts DCS 2011, DCS 2012 et DCS 2013 ainsi que des modalités de leur paiement sur trois années ; que dès lors que la SA BNP PARIBAS avait dûment fixé le montant accordé au salarié au titre de la « Deferred Compensation Scheme Plus - DCS », et que celle-ci ne justifie pas d'une absence de performance du salarié, il s'avère que les parts de DCS ne constituaient plus une gratification bénévole qui pouvait être accordée discrétionnairement par l'employeur mais comme un élément de la rémunération variable, et le salarié, bénéficiaire d'un droit acquis au titre des parts DCS Plus 2011, DCS Plus 2012 ainsi que DCS Plus 2013 ; qu'au surplus, la SA BNP PARIBAS est d'autant moins fondée à opposer à M. [I] une condition de présence au moment du paiement que l'absence de ce dernier au sein de la banque au moment du paiement des parts dont le paiement était différé résulte d'un licenciement jugé comme irrégulier et non fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, la SA BNP PARIBAS est condamnée à payer à M. [I] les sommes de 540.457,96 € à titre des parts DCS Plus 2011 restant dues pour 2013 et 2014, 214.577,45 € à titre des parts DCS Plus 2012 restant dues pour 2013 et 2014, et 539.996,67 € à titre des parts DCS Plus 2013 restant dues pour 2013 et 2014 ;
1/ ALORS, d'une part, QUE lorsqu'elle est payée en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur, une prime constitue un élément de salaire et est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement ; que l'employeur qui instaure une gratification dont il fixe le montant peut en conséquence librement soumettre son versement à une condition de présence du salarié dans les effectifs de l'entreprise à une date déterminée, dès lors que cette gratification n'a pas pour objet de rétribuer un travail déjà accompli ; qu'il est constant que, parallèlement à l'attribution de bonus discrétionnaires, la société BNP Paribas a informé le salarié de son éligibilité aux plans DCS Plus prévoyant l'acquisition différée de bonus en parts indexées sur l'action BNP Paribas, payés en numéraire, sous une condition de présence du salarié dans le groupe à des échéances préalablement définies ; qu'en jugeant que le salarié bénéficiait d'un droit acquis au paiement de l'ensemble des bonus différés dont les montants avaient préalablement déterminés, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2/ ALORS, d'autre part, QUE la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement ; que par son jugement rendu le 26 septembre 2014 déclarant injustifié le licenciement de M. [I] en raison du non-respect de l'exigence de procédure équitable, l'Employment Tribunal de Londres n'a pas retenu que le véritable motif du licenciement aurait été d'éviter le paiement des gratifications prévues par les plans DCS ; qu'en jugeant cependant que le caractère irrégulier et non-fondé du licenciement justifiait la condamnation de l'employeur au paiement des bonus différés prévus, sous condition de présence future non réalisée, par les plans DCS Plus, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail, ensemble l'article 1178 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3/ ALORS, à tout le moins, QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (p. 60 et 61), la société BNP Paribas faisait valoir que le préjudice résultant du non-paiement, du fait d'un licenciement jugé injustifié, de parts différées soumises à une condition de présence future, ne pouvait consister qu'en une perte de chance ; qu'en allouant à M. [I] la somme qu'il aurait perçue si la condition de présence s'était réalisée, sans répondre à ce chef pertinent des conclusions d'appel de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA BNP PARIBAS à payer à M. [I] la somme de 475.939,45 euros au titre des parts de CMIP 2009 A payables en juin 2012 ;
AUX MOTIFS QUE s'agissant des parts CMIP 2009, M. [I] déclare que tout salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail, que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire et que l'employeur ne peut invoquer l'intérêt de l'entreprise pour s'opposer à la communication des éléments nécessaires à la transparence de ses calculs ; qu'il précise que l'article 4.2. du plan CMIP 2009 stipule une condition de performance, selon laquelle les parts CMIP sont réduites suivant différents paliers et ce, jusqu'à 0, en fonction de la valeur annuelle du ROIE et du métier dont dépend le salarié, soit le métier « Fixed Income » pour ce qui le concerne ; qu'il ajoute que la SA BNP PARIBAS fait valoir que le ROIE annuel 2011 pour la branche Fixed Income s'élevait à 13,1% ce qui, en application de l'article 4.2 du plan CMIP 2009 ramènerait à 0 les parts CMIP payables en juin 2012, mais ne produit aucun élément objectif établissant la réalité de ce ROIE alors qu'elle est tenue de faire une communication spécifique annuelle ; qu'au surplus, il soutient que l'employeur a modifié unilatéralement le périmètre de détermination du ROIE, en y intégrant FORTIS (suite à la fusion intervenue en 2010) et a augmenté le taux de conversion des RWA de 6 à 7 %, ce qui a eu pour effet de diminuer le ROIE en deçà des 14,5 % et donc de priver les salariés du bonus différé du Plan CMP 2009 ; qu'en l'absence d'éléments probants de la part de la banque, il considère donc que la condition de performance est entièrement remplie et que, compte-tenu des parts qui lui ont été attribuées, de l'actualisation dont il a bénéficié en octobre 2009 et des paiements intervenues, la SA BNP PARIBAS est redevable de 17.213 parts à 27,65 € correspondant à la somme de 475.939,45 € ; que la SA BNP PARIBAS conteste le bien-fondé de la demande en soulevant les mêmes arguments que ceux exposés précédemment quant à l'objet du plan CMIP 2009 qui est de fidéliser les salariés et donc de conditionner le paiement des parts à la présence du salarié ; qu'il s'avère, toutefois, que M. [I] réclame le paiement des partis CMIP 2009 payables en juin 2012, date à laquelle il était présent dans l'entreprise, son licenciement lui ayant été notifié le 30 septembre 2013 ; que M. [I] justifie, qu'à la date du 28 février 2012, l'employeur lui a adressé un courrier ayant relatif au « Capital Markets Incentive Plan 2009 A » (CMIP 2009 A) dans les termes suivants : « Comme indiqué dans la lettre que vous avez reçue en février 2009, 16.790 unités vous ont été octroyées dans le cadre du Plan (ajustées à 17.214 unités à la suite de l'augmentation de capital BNP Paribas du 26 octobre 2009), lesquelles devaient être acquises en juin 2012. Les mots et expressions définis dans le Plan s'appliquent à cette lettre. Conformément à la clause 4.2 des Termes et Conditions du Plan, l'acquisition de vos unités était subordonnée au fait que le ROIE Annuel du Département Fixed Incomes pour l'année 2011 soit supérieur ou égal au COE, fixé aux fins du plan à 18 %. Ces unités feraient l'objet d'une acquisition partielle si le ROIE Annuel de la ligne de Métiers Fixed Incomes pour l'année 2011 était supérieur à 14,6 %. Les comptes définitifs de la [Adresse 3] indiquent que le ROIE annuel pour 2011 s'élève à 13,1 %. En conséquence, j'ai le regret de vous annoncer que, conformément à la clause 4.2.3 des Termes et Conditions du Plan, toutes les unités du Plan devant être acquises en juin 2012 ont été perdues » ; qu'au surplus, le document général fixant les termes et conditions du CMIP 2009 A, dispose au dernier § de l'article 4.2 relatif, concernant la condition de Performance : « Les données financières nécessaires à l'établissement de la condition de performance seront fournies sous la responsabilité de Finance et Développement Groupe et calculées selon les normes du Groupe BNP Paribas et les réglementations en vigueur au 31 décembre 2008 » ; qu'outre le fait que la SA BNP PARIBAS ne justifie pas d'éléments chiffrés à partir desquels le calcul de la condition de performance a été effectué pour les parts CMIP 2009 A payables en juin 2012, c'est à dire démontrant l'effectivité du taux de ROIE tel que retenu, elle n'apporte aucun élément probant remettant en cause le bien-fondé des arguments de M. [I] selon lesquels l'intimée a modifié unilatéralement le périmètre de détermination du ROIE et a augmenté le taux de conversion des RWA de 6 à 7 % ce qui a eu pour effet de diminuer le ROIE en deçà de 14,5 % et de le priver, ainsi que les autres salariés, de ce bonus différé ; qu'il en résulte que la demande de M. [I] est considérée comme bien fondée et la SA BNP PARIBAS, qui ne remet pas en cause la valeur de 27,65 € retenue pour une part, est condamnée à lui payer la somme de 475.939,45 € au titre des parts de CMIP 2009 A payables en juin 2012 ;
1/ ALORS QUE le juge est tenu d'examiner et d'analyser les éléments de preuve versés aux débats par les parties ; qu'en retenant que l'employeur ne justifiait pas d'éléments chiffrés à partir desquels le calcul de la condition de performance a été effectué pour les parts CMIP 2009 A payables en juin 2012, c'est-à-dire démontrant l'effectivité du taux de ROIE tel que retenu, sans analyser même sommairement l'attestation du cabinet Ernst & Young versées aux débats et exposant, en annexe B, les modalités de contrôle de l'exactitude du ROIE calculé par BNP Paribas, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2/ ALORS, en outre, QUE lorsque l'octroi d'une gratification trouve sa source dans un engagement unilatéral de l'employeur, l'élément est obligatoire dans les conditions fixées par cet engagement ; que selon l'article 4.2 du plan CMIP 2009, la condition de performance déterminant l'octroi des parts différées est appréciée « au regard de la rentabilité en capitaux propres normatifs investis dans le métier du Bénéficiaire (« le ROIE annuel ») », peu important, dès lors, les fluctuations du métier lui-même ; qu'en jugeant que l'employeur avait modifié les termes du plan au motif que le périmètre du métier n'était plus identique en raison d'une fusion absorption intervenue au cours de l'année considérée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3/ ALORS, au surplus, QUE lorsque l'octroi d'une gratification trouve sa source dans un engagement unilatéral de l'employeur, l'élément est obligatoire dans les conditions fixées par cet engagement ; que selon l'article 4.2 du plan CMIP 2009, la condition de performance déterminant l'octroi des parts différées est appréciée « au regard de la rentabilité en capitaux propres normatifs investis dans le métier du Bénéficiaire (« le ROIE annuel ») », aucune condition n'étant fixée quant au taux de conversion des RWA : qu'en jugeant que l'employeur avait modifié unilatéralement les termes du plan en raison de l'augmentation du taux de conversion des RWA, la cour d'appel a, derechef, violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA BNP PARIBAS à payer à M. [I] la somme de 595.595,24 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE s'agissant de l'indemnité de licenciement, selon les termes de l'article R. 1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en compte est calculé, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, sur la base soit des salaires des 12 derniers mois, soit des salaires des trois derniers mois et il résulte de l'application de ce texte que ne doivent pas être prises en compte les primes ou bonus présentant un caractère exceptionnel et correspondant à un événement unique ; qu'en l'espèce, M. [I] déclare avoir perçu sur les 12 derniers mois de son activité, soit entre le 1er octobre 2012 et le 30 septembre 2013 la somme globale de 1.920.759 € et produit un décompte qui comprend, outre son salaire de base, la prime d'expatriation, les frais de scolarité, la « concil tax » ainsi que les parts de DCS 2011, 2012 et 2013 perçues en mars 2013 ainsi que les parts de DCS 2011, 2012 et 2013 qu'il devait percevoir en 2013, ne lui ont pas été versées à la suite de son licenciement et, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, lui ont été accordées par la présente décision ; qu'il s'avère qu'en application de l'article R. 1234-4 du code du travail, M. [I] n'a pas inclus dans la somme, les parts de DCS 2011, 2012 et 2013 accordées ci-dessus, qui devaient être versées dans les années antérieure ou ultérieure à l'année 2013 ; qu'en conséquence, le salaire brut mensuel moyen tel que fixé par l'appelant à la somme de 160.063,32 € est justifié et doit être retenu ; qu'en conséquence, sur le fondement de l'article L. 1234-9 du code du travail, la SA BNP PARIBAS est condamnée à payer à M. [I] la somme de 595.595,24 € à titre d'indemnité de licenciement ;
1/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le troisième moyen de cassation, qui remettra en cause les sommes allouées à M. [I] au titre des plans DCS 2011, 2012 et 2013, entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif ayant condamné l'employeur à verser à M. [I] la somme de 595.595,24 euros à titre d'indemnité de licenciement, la cour d'appel ayant intégré, dans l'assiette de calcul de cette indemnité, les sommes dont le versement était prévu par ces plans au cours de l'année 2013 ;
2/ ALORS, en tout état de cause, QUE pour le calcul de l'indemnité de licenciement, seuls doivent être intégrés dans la base de calcul du salaire moyen les éléments de rémunération se rapportant aux périodes de référence visées à l'article R. 1234-4 du code du travail, soit les douze ou trois derniers mois précédant l'envoi de la lettre de licenciement ; qu'en intégrant dans l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement le montant correspondant aux parts différées versées au titre de plans établis pour les années 2010, 2011 et 2012, dont l'objet était de fidéliser certains salariés dont l'employeur souhaitait s'assurer la collaboration dans la durée et qui, dès lors, ne se rapportaient pas à la période de référence pour le calcul de l'indemnité de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-9 et R. 1234-4 du code du travail, dans leur rédaction applicable. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [I].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur [I] de sa demande tendant à voir la société BNP PARIBAS condamnée à lui verser une somme à titre de bonus 2013 ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur [I] réclame à ce titre la somme de 901.104,66 € correspondant à la moyenne des bonus perçus au titre des années 2010, 2011 et 2012, subsidiairement, la somme de 620.839 € correspondant à celui attribué pour l'année 2012, demande que la SA BNP PARIBAS juge infondée au motif que le salarié ne disposait d'aucun droit acquis au paiement d'un bonus discrétionnaire octroyé par la banque en fonction des résultats du groupe et des performances individuelles du salarié. En l'espèce, le contrat de travail de Monsieur [I], dans son article relatif à la rémunération, dispose que « De plus, une rémunération variable pourra vous être versée en fonction de la rentabilité de BNP Paribas SA, de votre métier et de votre propre performance au titre de l'exercice effectif de votre activité professionnelle », bonus repris dans les mêmes termes par les avenants en date des 30 mars 2009 et 18 août 2010. Si le salarié a perçu annuellement entre 2004 et 2012, soit sur une période de 9 ans, un bonus discrétionnaire, son montant étant compris entre 520.048 € pour l'année 2011 et 3.104.339 € pour l'année 2009, il n'en demeure pas moins qu'il résulte des termes mêmes du contrat de travail et des avenants précités que la rémunération variable dite bonus était chaque année discrétionnairement fixé par l'employeur ce qui ne permet pas à Monsieur [I] de revendiquer le paiement d'un bonus au titre de l'année 2013. Sa demande est rejetée » ;
ALORS d'abord QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le contrat de travail de Monsieur [I] prévoyait qu'« une rémunération variable pourra vous être versée en fonction de la rentabilité de BNP Paribas, de votre métier et de votre propre performance au titre de l'exercice effectif de votre activité professionnelle », la Cour d'appel a retenu qu'il résultait des termes mêmes de ce contrat que la rémunération variable dite bonus était fixée chaque année discrétionnairement par l'employeur et que Monsieur [I] ne pouvait donc pas revendiquer le paiement d'un bonus au titre de l'année 2013 ; qu'en statuant par de tels motifs quand les termes clairs et précis du contrat de travail du salarié énuméraient des critères objectifs en vertu desquels la rémunération variable de Monsieur [I] devait être fixée, la Cour d'appel a dénaturé ledit contrat en violation de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
ALORS ensuite QU'un bonus, institué par voie d'avenant revêt une nature contractuelle et présente donc un caractère obligatoire pour l'employeur, peu important que son versement soit ou non constant et qu'il soit subordonné à des éléments non déterminés à l'avance avec certitude ; qu'en l'espèce, ayant constaté que le contrat de travail de Monsieur [I] et ses avenants prévoyaient le versement d'une rémunération variable, la Cour d'appel aurait dû en déduire que le salarié était en droit de prétendre au versement de cette rémunération variable au titre de l'année 2013 ; qu'en décidant le contraire, elle a violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ensemble celles de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS enfin et en toute hypothèse QUE lorsque le contrat de travail prévoit un bonus discrétionnaire et que ce bonus a été versé au salarié chaque année sans exception depuis la conclusion de ce contrat, seul le montant annuel du bonus étant variable et discrétionnaire, la constance et de la régularité de ces versements confèrent audit bonus la nature d'un élément de salaire obligatoire pour l'employeur ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté, d'une part, que le contrat de travail de Monsieur [I] prévoyait la possibilité du versement d'une rémunération variable au salarié et, d'autre part, que cette rémunération, dite bonus, avait été versée chaque année à Monsieur [I], entre 2004 et 2012, soit sur une période de neuf ans, seul son montant ayant varié entre 520 048 euros et 3 104 339 ; qu'en cet état, la Cour d'appel aurait dû déduire de la constance et de la régularité des versements constatés que le bonus litigieux constituait un élément de salaire obligatoire pour l'employeur ; qu'en décidant au contraire que Monsieur [I] ne pouvait prétendre au paiement de ce bonus pour 2013 au motif qu'il résultait des termes de son contrat de travail que ce bonus était fixé discrétionnairement par l'employeur, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ensemble celles de l'article L. 1221-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur [I] de sa demande tendant à voir la société BNP PARIBAS condamnée à lui verser une somme au titre du préjudice subi pour la perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse ;
AUX MOTIFS QUE « compte tenu des termes précis contenus dans les courriers de confirmation de ses affectations à Singapour, puis à Londres, en qualité d'expatrié et de la référence faite dans la lettre du 30 mars 2009 aux conditions générales d'expatriation en vigueur dans l'entreprise (Politique d'expatriation), Monsieur [I] avait connaissance du fait qu'en sa qualité d'expatrié et qu'en application des dispositions légales et conventionnelles, il bénéficiait au titre du régime de sécurité sociale, notamment d'une couverture AGIRC et ARRCO, sur la base de cotisations à hauteur de 23,413 % de son salaire de référence tel que fixé à 130 000 € et qu'il disposait de toutes les informations utiles lui permettant de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse. Aucun manquement à son devoir d'information ne peut donc être reproché à l'intimée et la demande de dommages et intérêts pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse est rejetée » ;
ALORS QUE l'employeur, tenu d'une obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, doit informer le salarié expatrié, avant son départ, de sa situation au regard de la protection sociale pendant la durée de son expatriation ; que cette information doit notamment porter sur les conditions dans lesquelles il sera cotisé pour son compte aux organismes sociaux au titre de la garantie retraite et, le cas échéant, sur la faculté de s'assurer volontairement contre le risque vieillesse ; qu'en l'espèce, Monsieur [I] faisait valoir que la société BNP PARIBAS n'avait pas rempli son obligation de l'informer de façon claire et précise sur sa situation au regard de la protection sociale et du régime de retraite complémentaire applicable et, en particulier, ne l'avait pas averti de la faculté qu'il avait de s'assurer volontairement contre le risque vieillesse ; que pour considérer qu'aucun manquement à son devoir d'information ne pouvait être reproché à la société BNP PARIBAS, la Cour d'appel a relevé que, compte tenu des termes précis contenus dans les courriers de confirmation de ses affectations à Singapour puis à Londres, en qualité d'expatrié, et de la référence faite dans la lettre du 30 mars 2009 aux conditions générales d'expatriation en vigueur dans l'entreprise, le salarié avait connaissance du fait qu'en sa qualité d'expatrié, il bénéficiait d'une couverture AGIRC et ARRCO sur la base de cotisations à hauteur de 24,413 % de son salaire de référence et qu'il disposait de toutes les informations utiles lui permettant de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse ; qu'en statuant par de tels motifs sans constater que Monsieur [I] avait effectivement été éclairé de façon claire et exhaustive par l'employeur sur sa situation au regard du régime de retraite complémentaire et informé de la possibilité de s'assurer volontairement contre le risque vieillesse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ensemble de celles de l'article L. 1222-1 du Code du travail.