SOC.

COUR DE CASSATION

FP6


QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ


Audience publique du 6 mars 2024

NON-LIEU A RENVOI

M. SOMMER, président

Arrêt n° 384 FS-B

Affaire n° E 23-40.024

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MARS 2024

Le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence (section encadrement) a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 30 novembre 2023, deux questions prioritaires de constitutionnalité, reçues le 8 décembre 2023, dans l'instance mettant en cause :

d'une part,

l'association Safe Cluster, dont le siège est [Adresse 2],

d'autre part,

Mme [C] [R], domiciliée [Adresse 1],

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de l'association Safe Cluster, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mmes Prieur, Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

  1. Mme [R] a été engagée en qualité d'assistante en communication, puis de chargée de communication à compter du 20 septembre 2010 par l'association Le Pôle méditerranéen sur les risques, devenue l'association Safe Cluster (l'association).

  2. Par lettre du 30 janvier 2020, l'association a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique.

  3. La salariée a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 12 février 2020. Le contrat de travail a été rompu à l'issue du délai de réflexion le 4 mars 2020.

  4. La salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes de condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour non-respect de l'ordre des licenciements et à titre d'indemnité de préavis et des congés payés afférents.

  5. L'association a soulevé deux questions prioritaires de constitutionnalité.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

  1. Par jugement du 30 novembre 2023, le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence a transmis deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« 1°) L'article L. 1233-67 du code du travail, au vu de son incohérence avec les règles de motivation et notification du licenciement prévues par les articles L. 1233-2 et L. 1233-15 du code du travail, est-il conforme au principe constitutionnel d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ?

2°) L'article L. 1233-67 du code du travail, dans la portée effective que lui donne la jurisprudence de la Cour de cassation, est-il conforme à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle protégées par la Constitution ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

  1. La disposition contestée et la jurisprudence qui s'y rapporte sont applicables au litige, qui concerne la situation d'une salariée dont le contrat a été rompu après qu'elle a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique.

  2. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

  3. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

  4. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.

  5. En premier lieu, la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi invoquée par la première question ne peut, à elle seule, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité.

  6. En second lieu, l'obligation pour l'employeur d'énoncer le motif économique, soit dans le document écrit d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle remis obligatoirement au salarié, soit dans la lettre qu'il est tenu de lui adresser lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit dans tout autre document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation, ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle de l'employeur au regard du droit pour le salarié de connaître le motif économique de la rupture du contrat de travail et d'exercer, le cas échéant, son droit à un recours juridictionnel protégé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

  7. En conséquence, il n'y a pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille vingt-quatre.